Quelque chose en nous de Michel Berger
d’euros), et d’un budget consacré à la publicité et au marketing (la pub à la télévision n’est pas encore autorisée), de deux cent cinquante mille francs hors taxes par album. Le contrat précise que ces nouvelles conditions s’appliquent rétroactivement aux albums antérieurs licenciés par la société précédente de Michel, Colline. L’avenant numéro 4, en date du 18 septembre 1985, enregistré à la Recette Roule-Artois, entérinera la transformation des Disques Apache en M.B.M. (Michel Berger Music), et fixera les termes des exploitations à l’étranger des albums de (et produits par) France et Michel. Celui du 2 juin 1986 octroiera à M.B.M. une avance complémentaire de un million de francs par album live, un spectaculaire budget de un million cinq cent mille francs destiné à la production de dix vidéo-musiques et dégage également une somme destinée à financer une promotion indépendante.
« Je n’ai pas rencontré d’autre chanteur de cette importance qui s’identifie totalement à la profession, à la planète musique, et à toutes ses composantes, économiques, plus ou moins syndicales, mais sociales, martèle Lescure. C’est extraordinaire. Il n’y a pas d’autre exemple de cette dimension-là. Contrairementà Goldman, il était toujours prêt à aller au charbon, avec sa voix haut perchée qui te donnait envie de lui mettre deux claques. Il ne te lâchait pas. Il était d’une ténacité incroyable. Quand un Bilalian lui disait, pour clore une interview, “Bon, en même temps, tout ça va se terminer en chansons”, ça l’enrageait parce qu’on ne le prenait pas au sérieux, tant il était pénétré du rôle fondamental de l’économie de la création et du rôle social de la chanson. Il a été définitivement porté par cette vision pleine quand il s’est aperçu que lui un peu, et beaucoup France, faisaient chanter des salles entières comme ça ne s’était jamais produit en France. » Ce sera le cas au Palais des Sports, en mai 1983, pendant « Les uns contre les autres », « Diego, libre dans sa tête », avant que Michel, en chemise blanche barrée de notes de piano, se lâche complètement, jubilant, euphorique, exultant presque, tout au long de « La groupie du pianiste », faisant littéralement du rodéo sur son tabouret, pris dans la musique comme il l’était quand personne n’était là pour le voir. Il joue ensuite du piano Yamaha debout pour son « Voyou » mal nommé, avant de s’emparer de son synthé portable Vigier pour un solo en bord de scène en réponse à celui, de sax, de Patrick Bourgoin, accomplissant enfin son destin contrarié de petite rock star parisienne.
Peu auparavant, Michel est venu me rendre visite avec France, spontanément, un soir où ils étaient invités de l’émission de Christian Barbier, auquel je succède alors à l’antenne d’Europe 1, tous les soirs à partir de minuit et demie, avec « Rock à l’œil ». C’est notre première rencontre. Ils sont adorables, sympathiques, enthousiastes, généreux, m’assurent m’écouter (presque) tous les soirs, me remercient et me félicitent d’employer régulièrement l’expression « émission consacrée au rock et à toutes lesmusiques », ouverture qui reflète leur état d’esprit et leurs aspirations. Comme je suis en direct, le contact ne s’éternise pas, mais il ne sera plus rompu. Et le 23 février 1983, Michel est avec moi tout un samedi après-midi pour présenter son album Voyou, dont je n’aime pourtant pas le morceau-titre, maladroit, désuet, expression de sa fascination pour les mauvais garçons, déjà exprimée dans Starmania, mais dont il est culturellement, socialement, trop éloigné pour les invoquer crédiblement lui-même. Comme son ancien collègue chez Pathé Marconi Gérard Manset, Michel est limité, dans le domaine qui le fascine, l’attire, par sa nature, ses gènes, son milieu, son éducation. Impossible pour eux, indépendamment de leur talent, d’accéder à la sauvagerie, la spontanéité animale, le feeling naturel, cru, la rage d’un Bob Seger (Manset est fan) ou d’un… Steve Stills. Manset ne montera jamais sur scène, Berger n’osera jamais l’excentricité d’un Elton John. Galvanisé, certainement, par le contact avec le public en concert, la validation longtemps attendue des fans comme de la presse qui lui importe tant, il décide pourtant de forcer le destin, d’incarner ce qu’il aimerait être aux
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