Qui ose vaincra
Ils
sont nerveux, ils ont envie d’agir. Il y a plus d’un an qu’on nous promet des
armes. Nous n’en avons jamais vu, même pas un lance-pierres. Le travail que les
F.T.P. ont fait de leurs mains nues mérite un grand coup de chapeau. Armez-les,
et vous aurez une véritable troupe d’élite. »
L’atmosphère se détend
instantanément. Les hommes s’assoient autour de la grande table que la servante
débarrasse prestement.
« Hélas ! reprend
Thomé, je n’ai pas d’armes à vous donner. Et aucun parachutage n’est prévu dans
les jours qui viennent. À Londres, nous n’avions aucune idée de votre
organisation. Je le déplore, mais c’est un fait.
— Je sais où il y a
des armes, de quoi nous équiper tous, F.F.I. et F.T.P., annonce calmement Lehir.
Ça dépend évidemment de l’effectif dont vous disposez.
— Mes hommes m’attendent
à moins de trois kilomètres, répond Thomé. Raconte toujours ton histoire.
— C’est simple, reprend
Lehir. Mon plan consiste à attaquer la Kommandantur de Daoulas. Il y a six mois
que j’en rêve. Avec une centaine de paras, armés et entraînés comme vous l’êtes,
ça ne devrait pas pouvoir louper. »
Ce disant, Paul Lehir a
extrait de la poche de sa vareuse une carte détaillée de la région et un plan, qui
semble précis, de la Kommandantur et de ses abords. Il poursuit ses
explications :
« Là, mon
lieutenant, à deux kilomètres à l’est, il y a un transformateur. Il canalise
toute l’électricité de la ville, et les fils du téléphone y passent également. Là,
de l’autre côté, à huit cents mètres à l’ouest, un barrage en chicanes fixes
sur la route est gardé en permanence par six Allemands. Nous connaissons trois
chemins d’accès à Daoulas. Je peux mettre à votre disposition cinq guides. Un
premier amènerait ici une trentaine de vos hommes ; un second en ferait
passer une autre trentaine par le jardin du maire ; enfin, les trente
derniers contourneraient l’église et se retrouveraient à ce point, dissimulés
par ce muret. Je me charge de mettre en place ce dispositif, ainsi la Kommandantur
serait pratiquement cernée. À une heure dite, trois ou quatre hommes
suffiraient pour faire sauter le transformateur, une dizaine pour attaquer le
poste en chicane sur la route. Si tout est parfaitement synchro, les Schleus
vont se trouver plongés dans l’obscurité au moment où votre compagnie ouvrira
le feu sur leurs bâtiments. »
Thomé hoche la tête, songeur.
Sans lever son regard de la carte et du plan, il demande :
« Combien d’Allemands
à l’intérieur ?
— Une centaine, mon
lieutenant. Cent vingt tout au plus.
— Et l’armement
dont vous parlez ?
— Ça, vous pouvez
être tranquille ! La cave et le rez-de-chaussée sont un véritable arsenal.
Il y aurait des armes et des munitions pour chacun d’entre nous.
— Quel genre d’unité
occupe Daoulas ?
— Ici, c’est la
Wehrmacht, mais ne les mésestimez pas, ils sont jeunes et coriaces. À
Landerneau, il y a trois compagnies de S.S. ; c’est la raison pour laquelle
il est indispensable de faire sauter les fils du téléphone : alertés, il
leur faudrait moins d’une demi-heure pour arriver à la rescousse. Il faut
tenter et réaliser le coup très vite ; ensuite s’évanouir dans la nature. »
Thomé demeure songeur un
long moment. Il sort de la poche de sa tunique une courte pipe qu’il se met à
bourrer lentement. Il allume la bouffarde et reprend :
« Tu sais à quelle
heure ils bouffent le soir ?
— A 6 heures et c’est
invariable.
— Tu sais à quel
endroit du bâtiment ils bouffent ?
— Le réfectoire et
les cuisines se trouvent au premier étage. (Désignant le plan, Paul Lehir
poursuit :) Ces trois fenêtres donnent sur le réfectoire et sur la façade
sud, ces deux-là sur la cuisine.
— Donc, à 6 heures,
tout le monde se trouve au premier ?
— Tous, sauf quatre.
Il y a au rez-de-chaussée une permanence de jour comme de nuit. Les quatre
types de garde bouffent avant ou après.
— La fenêtre du
poste de garde ?
— Là, mon
lieutenant.
— Bon, une dernière
chose : l’authenticité de tous ces renseignements ? »
Pour la première fois, c’est
Ferdinand, le F.T.P., qui répond :
« Valables à cent
pour cent. Certains de mes hommes ont passé plusieurs semaines prisonniers dans
ces locaux. Toutes les informations qu’ils en ont ramenées se recoupent.
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