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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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parachute qui lui
    entoure le cou. Thomé constate la moiteur de ses mains ; son angoisse s’accroît.
    Cette angoisse ce n’est
    ni la peur de la mort ni l’imminence du combat qui la provoquent. Seulement, deux
    minutes avant l’action, le lieutenant Thomé constate qu’il est moins inexorable
    qu’il ne l’avait présumé.
    Il avait projeté de
    bondir sur la sentinelle par-derrière et de lui enfoncer sa dague dans une
    veine jugulaire – geste que, à l’entraînement, il avait cent fois répété
    sur des mannequins de son.
    Mais il vient de
    réaliser qu’il en sera incapable, et il se demande s’il y a lieu d’en être fier
    ou honteux.
    Thomé dégoupille une
    grenade, la conserve dans sa paume dont la moiteur s’est encore accentuée. Serrant
    la cuiller afin de prévenir le déclenchement, le lieutenant Thomé demeure tapi,
    les yeux rivés sur la trotteuse de sa montre : il attend le fracas
    lointain que doit provoquer l’attaque du transformateur.
    L’explosion se produit
    avec deux secondes d’avance. Alors Thomé ouvre la main, libérant la cuiller, compte
    lentement jusqu’à quatre, lance l’engin qui atterrit aux pieds de la sentinelle
    et explose au moment précis où touche le sol.
    L’homme s’effondre, déchiqueté.
    Une mare de sang s’étend sur le perron, trouve le chemin d’un dalot par lequel
    elle s’écoule.
    Simultanément les sept « zazous »
    ont bondi et balancent des grenades par toutes les ouvertures. Ils sont
    ahurissants de précision, aucun ne rate son coup. Après les premières
    explosions, ils ont resserré leur cercle au tour de la bâtisse. Quatre Allemands
    affolés tentent une sortie. Ils sont couchés par le fusil mitrailleur de
    Briguet.
    Si Thomé n’avait pas
    hurlé : « Halte au feu ! », les parachutistes auraient continué
    jusqu’à épuisement de leurs grenades (ils en avaient chacun une vingtaine). Sur
    l’ordre de leur lieutenant, tous arrêtent leur jet. Un silence oppressant s’abat
    sur la bourgade. Dans leurs oreilles, les « zazous » gardent un long
    moment le sifflement lugubre causé par l’ampleur du fracas qu’ils viennent de
    provoquer.
    Une lourde fumée
    grisâtre s’échappe par toutes les issues du bâtiment. Puis une odeur
    pestilentielle saisit les parachutistes – l’odeur de la poudre, du sang, du
    carnage, de la mort.
    « Sortez tous de là,
    sans armes, et les mains en l’air », hurle Thomé en français.
    Le lieutenant perçoit au
    premier étage un flottement. Des bribes chuchotées, un conciliabule hâtif ;
    enfin une voix répond :
    « Kamarads, monsieur !… Tous kamarads ! » Le timbre de la voix vibre sous la panique. Dans ces
    quatre mots, l’Allemand vient de faire éclater toute la peur du monde. Étrangement,
    Thomé a pitié. Il conserve pourtant l’arrogance des vainqueurs.
    « Ça vient ? gueule-t-il.
    Sinon je reprends le tir.
    — Pas possible, monsieur,
    reprend la voix terrifiée Escalier kaputt. »
    Sur la gauche de Thomé
    retentit un formidable éclat de rire. C’est le petit Le Nabour dont les nerfs
    se relâchent.
    « André, bon sang !
    Tu te crois aux bains de mer ! braille le lieutenant. Couvrez-moi, je vais
    jeter un œil. »
    Thomé sait que ses
    hommes l’observent. À dessein il marche droit, calme, à découvert. Il gravit
    les marches du perron, enjambe le corps de la sentinelle et pénètre dans le
    bâtiment avec la désinvolture d’un promeneur du dimanche.
    À l’intérieur, sorti du
    champ visuel de ses « gosses », le lieutenant bondit à l’abri. Reprend
    une attitude prudente et méfiante, sa mitraillette prête à tirer. L’odeur
    écœurante le suffoque, l’intensité de la fumée brûle ses yeux. Les larmes glissent
    sur ses joues ; dans la semi-obscurité il constate qu’effectivement l’escalier
    de bois s’est effondré. Il jette un bref regard dans le poste de garde, aperçoit
    quatre corps en charpie.
    « André, Guy, rejoignez-moi ! »
    crie le lieutenant vers l’extérieur.
    Les deux parachutistes
    arrivent en courant. Thomé leur chuchote :
    « Tirez le gros
    buffet au milieu de la pièce. La seule chose qu’ils puissent tenter c’est de
    nous balancer une grenade.
    — Pensez-vous, ils
    pissent dans leur froc », raille Le Nabour.
    Thomé lui jette un
    regard sévère, le petit André se précipite sur le buffet.
    « Y a-t-il un
    officier vivant là-haut ? » hurle Thomé. Une voix grave et emphatique
    se fait entendre, cette dans un

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