Qui ose vaincra
excellent français :
— Capitaine Emmunt,
commandant la 11 e compagnie marche. Je suis indemne.
— C’est bon, sautez
le premier, et que les hommes valides vous suivent un par un. » Bêtement
la voix reprend : « C’est haut. »
L’officier allemand se
rend compte instantanément de la puérilité de sa remarque ; il ajoute aussitôt :
« Je saute, ne
tirez pas. »
Le capitaine allemand
apparaît dans l’encadrement de la porte déchiquetée qui donne sur un vide de
trois à quatre mètres. Il est botté, impeccable, il a rajusté sa tenue et
coiffé sa casquette, il se tient debout, s’apprête sauter. Puis il se ravise, s’assoit
sur le sol, les jambes dans le vide, et enfin se décide, après avoir pris appui
sur la paume de ses mains. Thomé, André et Guy ont souri, amusés. L’officier
allemand se reçoit gauchement et tombe à quatre pattes. Il se relève
visiblement vexé, époussette ses coudes et ses fesses, toise Thomé et déclare :
« Êtes-vous une unité régulière ?
— Lieutenant Thomé,
3 e R.C.P. », concède l’officier parachutiste.
L’Allemand se fige au
garde-à-vous, claque les talons et salue longuement. Solennel, il reprend alors :
« Afin d’épargner la vie de mes hommes, je choisis de capituler. »
D’un geste grandiose, il
ouvre l’étui de son pistolet, extrait précautionneusement le Parabellum 9 mm
dans un mouvement qui démontre avec évidence qu’il ne va pas chercher à s’en servir,
puis tend l’arme à Thomé en la tenant par le canon.
« C’est pas vrai, il
se croit au ciné, lance Le Nabour.
— T’as raison, il a
dû voir jouer La Grande Illusion », surenchérit Richard.
Le visage de l’Allemand
s’empourpre.
« Lieutenant, je
proteste. Je me considère comme prisonnier de guerre. Je suis officier. Il est
inadmissible que vos hommes se permettent des sarcasmes à mon égard.
— Désolé, mon vieux,
réplique Thomé, nonchalant, mais le temps nous manque pour jouer aux honneurs
militaires. Allez, dehors ! On va s’occuper de toi selon un rite
sacramentel. »
Se tournant vers
Guichard il ajoute :
« Va chercher
Bellon et Galano. Occupez-vous des boutons de braguette et des bretelles. Ce
con d’abord. Après, les autres, au fur et à mesure.
— Vous êtes indigne
des galons que vous portez, jette l’Allemand, outré, en passant la porte.
— Au suivant !
Ça descend ? » hurle Thomé.
Un premier homme saute.
À l’extérieur, Bellon a
fait valser la casquette de l’officier, lui a ordonné d’ôter sa veste puis, de
sa dague de commando, coupe ses bretelles.
L’Allemand continue à
débiter un chapelet de vociférations indignées qui atteignent leur paroxysme
lorsque Bellon commence à déboutonner les boutons de sa braguette. Il se recule
horrifié.
« Mon lieutenant, gueule
Bellon, je crois qu’il a peur que je lui coupe la queue.
— Arrêtez de m’emmerder !
Tenez-le et finissez-en. »
Galano attrape l’officier
par-derrière ; Bellon, calme et ravi, coupe soigneusement tous les boutons
de braguette de l’Allemand ; alors Galano lâche sa prise.
Éructant, grotesque, tenant
de ses mains son pantalon ouvert, le capitaine de la 11 e compagnie
de marche hurle, à bout d’insultes :
Kommunistes ! »
Il sont
une soixantaine à subir le même sort. Une quarantaine de morts et une vingtaine
de blessés sont momentanément laissés sur place. Les F.F.I. et les F.T.P. arrivent
à bord de deux vieux camions à gazogène. Les armes sont transportées sur les
véhicules ; les résistants récupèrent effectivement de quoi équiper deux
compagnies.
Thomé est sur le point
de donner l’ordre de décrochage, lorsqu’un gamin d’une douzaine d’années arrive
à bout de souffle :
Les S.S. ! hurle-t-il.
Avec des tanks. Ils arrivent de Landerneau. »
Thomé peste contre le
temps qu’il vient de perdre. Il prend une décision instantanée. Il faut freiner
la colonne ennemie pendant un quart d’heure au minimum, pour permettre aux
camions d’armes de trouver un refuge. Le lieutenant a un regard vers le
troupeau burlesque des prisonniers qui tiennent leurs pantalons.
« Poussez-les jusqu’à
la chicane, ordonne-t-il. Ils vont nous servir de boucliers, ça nous donnera le
temps de prendre position sur les talus de chaque côté de la route. De là, on
balancera des gammon-bombs. »
Les gammon-bombs, arme
typiquement S.A.S., étaient constituées d’une boule de
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