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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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ne sourit pratiquement jamais, se prépare à faire la guerre avec la rage
    et la haine de ceux de sa race. C’est le meilleur tireur au fusil des deux
    régiments.
    Les « zazous »
    s’appellent : André Le Nabour (le Nabot, à cause de sa petite taille), Philippe
    Dubosc, Mendiondo, Clément, Garros, Briguet, Raymond Paulus, Bellon (il a tout
    juste quinze ans), Galano, Bruand et Guy Guichard. Ils forment un étrange
    panaché d’adolescents rêveurs et de professionnels de la violence.
    Les « zazous »
    viennent d’atterrir en silence et se regroupent sans difficulté. Ils sont tombés
    dans les fougères ; un seul incident s’est produit, mais il est de taille :
    Thomé constate amèrement que Philippe Dubosc s’est cassé la jambe. Son stick ne
    comprend plus que douze hommes. Il s’embusque à proximité d’un sentier, décide
    d’attendre l’aube.
    À 4 heures du matin, deux
    braconniers empruntent le sentier. Ils sont tout d’abord terrifiés lorsque
    quatre soldats bondissent et les entourent, leur labourant les reins de leurs
    armes ; ils se rassurent à demi en constatant qu’ils ont affaire à des Français
    puis, très vite, c’est la scène habituelle des embrassades, des larmes, et des
    tapes dans le dos.
    « Faut aller voir
    au château, sûr que l’amiral va vous cacher et vous aider. Vu que l’amiral, les
    Boches il les a jamais piffés.
    — L’amiral ?
    — L’amiral de
    Boisanger, renchérit le second braconnier. C’est notre châtelain, à Daoulas, c’est
    à moins d’une lieue.
    — C’est un
    résistant ? s’enquiert Thomé.
    — Oh ! dame, un
    résistant, j’pourrais pas dire. C’est plus un tout jeune, not’e châtelain. Mais
    ce qui est sûr, c’est qu’on l’a jamais vu copiner avec l’occupant comme
    certains que je pourrais causer.
    — Tu pourrais me
    conduire ?
    — Ma foi, en
    partant tout de suite à travers champs, vous n’aurez qu’à marcher à cinquante
    mètres derrière nous. »
    Thomé se retourne vers
    Klein.
    « Prends le
    commandement et fais confectionner une attelle pour la jambe de Philippe. S’il
    souffre trop, faites-lui une seconde morphine. Ne bougez sous aucun prétexte. Je
    vais présenter mes devoirs à la « Royale ». Dès que possible je vous
    rejoindrai. »
    La demeure de Boisanger
    surplombe le gros bourg de Daoulas ; c’est une lourde bâtisse, une de ces
    gentilhommières bretonnes baptisées châteaux par les villageois. À vingt mètres
    du portail, les braconniers ont désigné les lieux et se sont prudemment
    éclipsés.
    Dans un mélange d’émotion
    et d’inquiétude, Thomé fait jouer le marteau de bronze de la massive petite
    porte ogivale. Les gonds mal huilés grincent. La porte s’entrouvre, laissant
    apparaître une coiffe bretonne qui surmonte un visage ridé comme une pomme
    blette. La vieille servante porte les mains à sa bouche dans un mouvement d’effroi ;
    sans refermer, elle pivote et glisse à petits pas en marmonnant :
    « Seigneur, les
    Allemands ! Seigneur, aidez-nous ! » Thomé pousse la porte et
    pénètre dans un hall glacial. Tout est de pierre, massif, ancestral, grandiose.
    « Y a-t-il quelqu’un ? »
    lance le lieutenant d’une voix forte qu’amplifie encore un sonore écho.
    Se drapant, majestueux, dans
    une robe de chambre de soie, un grand vieillard maigre et droit descend l’escalier
    médiéval. Il est évident qu’il sort de son lit ; il est non moins évident
    qu’il a pris le temps de peigner son épaisse chevelure neigeuse et de passer
    autour de son cou le ruban noir qui supporte son monocle. Il s’arrête sur la troisième
    marche, de façon à surplomber Thomé. D’un geste altier, il ajuste son monocle
    et dévisage un instant l’officier. Puis, d’une voix hautaine, dans un allemand
    malhabile, il déclare : « Que puis-je pour vous, monsieur ? »
    Bêtement intimidé, Thomé bredouille : « Je crains qu’il n’y ait un
    malentendu…
    — Que vous
    connaissiez notre langue ne constitue en rien un malentendu, reprend, en
    français cette fois, le noble vieillard. Le seul malentendu me semble être
    votre présence en cette demeure.
    — Mais je suis
    français, amiral, réplique le lieutenant en se présentant. Lieutenant Thomé, du
    3 e régiment de chasseurs parachutistes. J’arrive d’Angleterre. »
    Pourtant littéralement
    cueilli à froid, l’amiral de Boisanger, dans un curieux réflexe, ne change en
    rien la préciosité affectée de son ton.
    «

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