Qui ose vaincra
d’Azermont
décide qu’il faut tenter une sortie, profiter de la surprise et bondir tous
ensemble en force à coups de fusils mitrailleurs et de grenades. Mais pour que
l’entreprise ait la moindre chance de succès, il faut parvenir à s’approcher au
maximum sans être découvert.
En rampant, les dix
parachutistes quittent leur gîte et forment une chenille humaine qui progresse,
silencieuse et attentive.
D’Azermont rampe en tête.
Il est prêt à bondir à chaque instant. Il se meut en se servant des coudes, serrant
une grenade dégoupillée dans chaque main. Mètre par mètre, il avance, suivi de
ses hommes ; il avance jusqu’à constater l’évidence : ils sont passés
à travers le dispositif.
Alors, les parachutistes
accélèrent la cadence. Ils continuent de ramper, mais moins prudemment, puis se
relèvent et se lancent dans une course folle. Tous avaient des grenades dégoupillées
à la main ; ils refixent les cuillers à l’aide de fils de fer, puis
reprennent leur course. Loin derrière eux, ils entendent la fusillade qui ne s’est
pas calmée un seul instant. La patrouille n’a même pas un blessé et, juste
avant l’aube, elle parvient à trouver un abri dans une ferme.
Dans la nuit, les S.S. s’étaient
entre-tués. Au lever du jour, ils dénombraient 87 morts et 182 blessés, chiffres
fournis par un rapport officiel allemand qui faisait état d’une force ennemie
considérable dans le bois d’Anjou. Le rapport proposait en outre plusieurs
sous-officiers pour une distinction.
36
Camp secret de Fairford,
3 août 1944.
Parmi les jeunes
officiers qui encadrent les hommes du 3 e S.A.S., le lieutenant Thomé
est de ceux que l’inaction ronge et déprime le plus. Il vient du B. G. R. A. Il
a accompli en France de multiples missions et il peste d’avoir maintenant
choisi l’uniforme et une unité régulière, ce qui le contraint à une pesante
inaction tandis qu’il suit par les communiqués les combats furieux de ses
frères d’armes.
Thomé est responsable d’une
demi-compagnie, mais, comme tous les officiers S.A.S. il a son stick – douze
hommes à la tête desquels, quoi qu’il arrive, il sautera en opération. Ses
hommes, Thomé les a choisis, et son choix s’est porté, au fur et à mesure des
arrivées, sur les plus jeunes recrues.
Ils sont tous censés avoir
dix-huit ans révolus, mais le lieutenant ne s’est jamais leurré. Mis à part le
sergent Klein, aucun de ses « gosses », comme il les appelle, n’a
atteint cet âge. Et pour plusieurs d’entre eux, il s’en faut de beaucoup. Au
régiment on les a d’abord appelés les « J 3 », puis ils sont devenus
les « zazous ».
Thomé ne s’est jamais
formalisé de ces railleries. Il se laisse même fréquemment aller à parler
lui-même de ses « zazous » dont il se montre fier et satisfait, car
depuis un an ils sont devenus des soldats parmi les meilleurs. À l’entraînement,
ils surclassent leurs aînés et, en ce qui concerne les combats à venir, le
lieutenant leur fait une entière confiance.
Ces combats il vient
enfin d’en recevoir l’ordre. Dans cette matinée du 3 août, Château-Jobert vient
de lui signifier que lui et son équipe sauteraient en France le soir même.
Les « zazous »
ont hurlé de joie. Leur exubérance a été telle que, dans une chahuteuse
explosion, ils ont arraché les piquets de leur tente qui s’est abattue sur eux.
Objectif : Finistère.
Largage dans la presqu’île de Plougastel, à proximité de Daoulas. Effectif :
la moitié de la compagnie Sicaud. Thomé et ses douze « zazous » en
font partie. Mission : créer le chaos dans l’énorme rassemblement de
troupes allemandes qui, refluant sous la poussée des Alliés, cherche à faire de
toute la pointe de la Bretagne un camp retranché.
Renseignements sur la
Résistance : néant. Assurément partout des bonnes volontés, mais
pratiquement aucune arme n’a jamais été larguée dans ces régions.
Le lieutenant Thomé est
un solide Ardennais de taille moyenne. Il est d’une évidente puissance ; cheveux,
sourcils, yeux et poils sont d’un noir d’encre. Il est âgé de vingt-cinq ans. Ses
hommes l’ont surnommé le « Gorille » et c’est bien observé. Du roi
des singes, Thomé n’a pas que la vigueur, il en a également la souplesse.
Son second, le sergent
Klein, est un grand Lorrain tout en longueur, maigre, sec et dégingandé. Il est
froid,
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