Qui ose vaincra
violence du combat c’était impossible à évaluer, ment Emmunt. Mais je pense
qu’ils devaient être au moins un bataillon à encercler Daoulas. C’est de la
logique pure ; ils n’auraient jamais osé nous attaquer sans être certains
d’un appui considérable. C’est la raison qui m’a poussé à capituler : la
disproportion des forces en présence était beaucoup trop considérable pour
tenter quelque résistance sans encourir un massacre. Vos troupes d’élite en ont
fait elles-mêmes l’expérience quelques instants plus tard.
— Un bataillon
parachutiste ? lâche le major songeur. Évidemment.
— Peut-être une
division dans la région, surenchérit le capitaine. À mon avis, la presqu’île
est infestée d’ennemis dont la mission est sans conteste le siège de Brest. »
Les deux officiers allemands
étaient-ils sincères ? Un fait est certain. C’est qu’ils ne firent rien
pour endiguer les bruits qui commencèrent à se répandre selon lesquels une
énorme concentration de parachutistes se tiendrait dans le triangle formé par
les axes Brest-Lesneven, Lesneven-Landerneau et Landerneau-Brest.
Si cette thèse apaisait
l’orgueil meurtri des deux chefs, elle fit souffler, par contre, un vent de
défaitisme sur les diverses unités allemandes cantonnées dans ce périmètre.
Les parachutistes
français qui avaient créé cette panique étaient au nombre de soixante-seize.
38
Paul Lehir, le
lieutenant Thomé, et les hommes de son groupe (ils ne sont plus que dix : Jean
Briguet a trouvé la mort au cours des combats de Daoulas) se sont réfugiés dans
une ferme isolée des environs de Saint-Urbin.
Le père Bouguennec, le
vieux fermier, est un homme sûr. Il a deux fils et une fille. Personne n’a
hésité pour recueillir et installer les parachutistes.
Le surlendemain de son
double coup d’éclat, Thomé décide de partir seul dans la direction de
Saint-Urbin. Il veut repérer un camp de munitions, étudier la possibilité d’un
sabotage.
L’action s’avère
irréalisable. Désappointé, Thomé revient sur ses pas. Il oublie toute prudence,
marche sans méfiance dans un sentier à travers bois lorsqu’il est interpellé
par-derrière :
« Monsieur ! »
Thomé fait un bond. Se
retrouve à plat ventre à l’abri des buissons, rampe à travers une végétation
dense, tout en armant sa mitraillette. À couvert derrière un arbre, il se
retourne, observe, prêt à tirer.
« Monsieur, s’il
vous plaît, monsieur ! »
Thomé est estomaqué. Il
aperçoit un officier allemand, sa mitraillette Schmesser bat en travers sur sa
poitrine, il ne paraît avoir aucune velléité belliqueuse, semble être seul, mais
il aurait pu sans le moindre risque abattre le lieutenant d’une rafale dans le
dos.
L’index sur la détente, Thomé
sort de son abri, ordonnant :
« Les mains sur la
nuque ou je tire !
— Ne tirez surtout
pas, monsieur, déclare posément l’officier, je désire me rendre.
— Jette ton arme en
la tenant par la bretelle », gueule le lieutenant.
L’officier allemand s’exécute.
Thomé s’approche de lui, le palpe, empoche le Parabellum :
« C’est bon, tu
peux baisser les bras. Marche devant.
— C’est que je ne
suis pas seul, explique l’officier. Il y a soixante-dix parachutistes qui
voudraient se rendre à une unité régulière. Ils vous observent à la jumelle
depuis deux heures, ils m’ont envoyé en parlementaire à cause de ma
connaissance de votre langue.
— Vous êtes
parachutiste ? interroge Thomé, en pensant amèrement qu’il a servi de
point de mire pendant une partie de l’après-midi.
— Moi ? Grands
dieux, certes pas ! Je suis professeur de philosophie à l’université de
Munich. Je suis ici en tant que capitaine responsable du service météorologique. »
Rapidement Thomé fait le
point. Il est évident que l’officier-philosophe et ses parachutistes
surestiment considérablement la force dont il dispose. Quelle sera leur
réaction quand ils s’apercevront de la fragilité de son effectif ? La
seule solution raisonnable est de remettre les prisonniers aux mains des F.F.I.
et des F.T.P. qu’il a armés l’avant-veille. Trois heures devraient suffire pour
alerter Lehir et tendre une souricière suffisamment solide pour prévenir toute
réaction des Allemands : lorsque les parachutistes s’apercevront qu’ils
ont été bernés et qu’ils ne sont pas dans les mains
Weitere Kostenlose Bücher