Qui ose vaincra
à sa ferme dans l’intention de faire la
connaissance de sa conquête. À la sortie de Briare, les parachutistes croisent
un groupe de partisans qui marchent sans ordre. Les hommes sont bardés d’armes
diverses : vieilles pétoires, revolvers à barillet de la dernière guerre, etc.
Fauquet freine brusquement, et fait marche arrière pour parvenir à la hauteur
du groupe. Le lieutenant s’adresse à l’un des F.F.I. qui porte à la bretelle un
fusil de chasse en parfait état : un 12 mm classique.
« Qu’est-ce que tu
cherches avec ça, mon gars ? Tu prends les Allemands pour des lapins de
garenne ?
— C’est que j’ai
rien d’autre, mon lieutenant.
— Tu as des
cartouches, au moins ?
— Ça, pour sûr, j’en
manque pas. J’en ai plus d’une centaine.
— Écoute, tu as une
bonne gueule, je vais te faire une fleur. »
Fauquet s’empare à l’arrière
de la jeep d’un fusil Mauser allemand, récupéré en Bretagne, et d’une sacoche
de balles encastrées par cinq dans des chargeurs à glissières.
« Voilà. Si tu es d’accord,
on fait l’échange. » L’homme ne dissimule pas son accord total. Fauquet
lui explique comment on charge l’arme, en introduisant la glissière du chargeur
dans la culasse et en poussant d’un coup de pouce les balles qui prennent
mécaniquement place dans le magasin. Puis le lieutenant vérifie l’état du fusil
de chasse, qui semble le satisfaire, et s’empare du sac de cartouches. La jeep
démarre. « Qu’est-ce qui t’a pris, mon lieutenant ? interroge Crœnne.
— Perdreau sur
canapé, civet de lièvre, faisan farci, voilà ce qui m’a pris. »
41
Le capitaine Leblond s’est
installé à Cosne. Il est considéré au bataillon comme le seul officier pondéré,
respectueux des ordres reçus et de la guerre classique. Par ce fait, les
rapports qu’il entretient, entre autres avec le sous-lieutenant Alain Le
Bobinnec, manquent de cordialité. Rares sont les jours où le jeune Breton ne se
voit pas menacé de sanctions qui s’échelonnent dans un éventail allant des
arrêts de rigueur au conseil de Guerre.
Alain Le Bobinnec s’en
contrefout. Il laisse passer les orages qu’il accueille avec un désarmant
mélange de respect et d’insolence, et continue à n’en faire qu’à sa tête. Le
sous-lieutenant a sa bande qui lui obéit aveuglément, et il faut au capitaine
Leblond une obstination caractérielle pour ne pas se lasser de transmettre à
son subordonné des consignes qui sont aussitôt enfreintes.
Le 7 septembre, Leblond
a posté les équipages des deux jeeps à l’entrée nord de Cosne. Ces équipages :
sont ceux du lieutenant Le Bobinnec et du sergent Boutinot.
Pour Leblond, cet ordre
est logique : une unité occupant une position poste des sentinelles aux
accès : Pour Le Bobinnec, c’est absurde, car à quelques kilomètres au nord
il y a Bourgoin et sa compagnie. Qu’on place un homme de garde, à la rigueur, mais
qu’on en immobilise huit, ça dépasse et exaspère le jeune sous-lieutenant.
« Je vais me
promener, déclare-t-il au sergent Boutinot. Si Leblond fait une inspection, improvise,
raconte-lui n’importe quoi.
— Le Vieux va pas
aimer ça, mon lieutenant. Il peut appeler ça abandon de poste devant l’ennemi. Ça
peut aller chercher dans les douze balles.
— Sois pas
pessimiste ! Il va peut-être mourir d’apoplexie en constatant mon absence.
— Peut-être, comme
tu dis. Mais il vaut mieux mettre toutes les chances de notre côté. S’il
constate notre absence à tous les deux, il va sûrement mourir d’apoplexie. »
Ayant dit, le sergent
Boutinot prend tranquillement place dans la jeep du sous-lieutenant. ! « Et
s’il se pointe, c’est nous qui dérouillons, fait remarquer un caporal.
— Penses-tu, répond
Le Bobinnec goguenard, tu lui diras que je suis allé pisser et que j’ai pris le
sergent pour me couvrir. »
La jeep contourne Cosne
au maximum de sa vitesse. Le Bobinnec engage ensuite le véhicule sur la route
de Nevers, zone totalement interdite. D’après les derniers renseignements, Nevers
est occupé par une forte concentration ennemie.
Le compteur de la jeep
oscille entre 80 et 85. La route est superbe. Le vent tiède qui frappe leur
visage exalte les deux parachutistes. Ils traversent La Charité sans ralentir, il
est 1 heure de l’après-midi, les volets sont prudemment clos, les rues désertes.
« On va loin comme
ça ?
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