Qui ose vaincra
moindre incident. Ils rejoignent
Londres, inaugurant le passage Le Tac vers la zone libre. Puis, c’est l’Espagne
et Gibraltar.
À leur arrivée, Le Tac est
promu au grade de lieutenant. Il quittera ses compagnons pour être versé au B.C.R.A.,
le Bureau de renseignement et d’action de la France libre, au sein duquel il
établira un étrange record, celui du nombre des aller et retour entre l’Angleterre
et la France occupée. Il finira par être capturé et déporté à Mauthausen, il
est un des miraculés du camp de la mort.
Le premier saut du
capitaine Bergé et de Joël Le Tac eut d’importantes conséquences historiques.
Le test effectué par le
stick français dégagea deux idées fortes qui allaient, désormais, orienter
toute l’action subversive sur le continent : d’une part le parachutage en
Europe occupée ne présentait pas autant de difficultés qu’on l’avait cru à
priori ; d’autre part le sabotage dans un pays pétri par la volonté de résistance
aux Allemands ne nécessitait pas l’emploi d’unités militaires hautement
spécialisées. Le B.C.R.A. de la France libre, le S.O.E. britannique pouvaient
créer tout seuls des réseaux qui embraseraient l’Europe conquise par Hitler. Le
cri lancé par Churchill : « Mettez l’Europe à feu ! » ne
relevait plus du rêve, mais de la réalité.
Dans cet orgueilleux
défi à la plus forte puissance militaire de tous les temps, l’action des
commandos parachutistes ne commencerait dorénavant que là où s’arrêteraient les
possibilités de la Résistance.
DEUXIÈME PARTIE
L’Aérodrome D'HERAKLION
6
Mirecourt (Vosges) 12
juillet 1940.
En bordure de la ville, les
Allemands ont improvisé un camp de prisonniers. Barbelés et miradors ont été
édifiés en quelques jours. Quelques baraques sommaires servent d’abris
provisoires aux soldats français du 1 er régiment d’artillerie
coloniale, qui, une semaine auparavant, s’était rendu après un baroud d’honneur,
écrasé dans un combat inégal.
Assis à l’écart, un
deuxième classe fulmine. L’attitude de ses compagnons l’écœure. Il se refuse à
considérer comme eux la captivité comme une délivrance, comme une sécurité. La
situation lui semblé humiliante et grotesque.
Il s’appelle Jacques
Mouhot. Il vient d’avoir vingt-huit ans ; il n’a fait que des études
primaires, son seul diplôme est celui de professeur d’éducation physique. Sa
spécialité : le ski. Avant sa mobilisation, il était moniteur dans une
station secondaire de sports d’hiver. Un mètre soixante-quinze, des muscles
entraînés et entretenus, une charpente robuste, une belle gueule de don Juan de
faubourgs, Mouhot a jusqu’à présent mené une vie sans histoire. À son régiment,
nul ne l’a particulièrement remarqué, et pourtant, depuis une semaine, il
semble être le seul à réagir avec l’instinct d’un fauve pris au piège. Il n’arrive
ni à comprendre ni à admettre que ses compagnons, et surtout ses officiers, adoptent
une attitude opposée. L’esprit logique et honnête de Mouhot l’avait amené à
considérer et à admirer ses chefs. Sa déception aujourd’hui n’en est que plus
amère.
« Vous évader, mon
vieux ! avait ironisé le lieutenant de sa compagnie. Et pour quoi faire, grands
dieux ? Nous devons savoir nous montrer beaux joueurs. Nos vainqueurs nous
traitent correctement, ne trahissons pas leur confiance. »
Mouhot était resté sans
voix. Maintenant il ressassait rageusement un flot de répliques qui lui avaient
échappé.
Auprès de trois ou
quatre troufions sans grade, il avait obtenu des réponses similaires. Alors il
avait décidé d’agir seul, de ne plus faire part de ses projets d’évasion à
quiconque.
Impossible de franchir
les barbelés de nuit, les rondes et les projecteurs vouant toute tentative à l’échec.
La seule éventualité était de passer la porte du camp par la ruse. Le procédé, il
l’avait trouvé.
Chaque jour un camion
allemand franchissait la porte, chargé d’une cinquantaine de grandes marmites
vides. Une heure plus tard il revenait, transportant les récipients fumants de
l’infecte soupe qui constituait l’ordinaire des prisonniers. Mouhot était sûr
de parvenir à se recroqueviller dans une marmite. La seule difficulté résidait
dans le fait que les deux Sénégalais chargés de monter les récipients sur les
camions s’apercevraient, au
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