Qui ose vaincra
rendre à l’évidence : aucun car allemand n’empruntait
la route Vannes-Meucon.
Alors Le Tac plonge dans
une nouvelle aventure. Il décide de découvrir une filière qui permettrait de passer
de zone occupée en zone libre. Une voie qui pourrait leur servir dans de chimériques
opérations futures. Il la trouve dans les Landes avec la complicité d’un
transporteur en bois de Castets. Convaincu de l’utilité de son entreprise, il
regagne Paris, décide de rester rue Gît-le-Cœur, où il sait que Londres peut le
contacter.
C’est là, dans la nuit
du 14 au 15 mai 1941, qu’il est tiré de son sommeil par de légers coups frappés
timidement à la porte du petit appartement. Pistolet en main, il ouvre pour se
trouver face à Forman et Varnier qui entrent, souriants, exactement comme si
leur présence était la chose la plus naturelle du monde.
Fidèle à son personnage,
Joël réfrène sa joie et sa surprise. Il dit simplement :
« Foutrement
heureux de vous voir, je commençais à redouter d’avoir à faire la guerre tout
seul. »
Forman et Varnier sont
déçus de ne susciter qu’une relative surprise.
« Nous avons fait
un excellent voyage, Joël, plaisante Forman. Merci de t’en préoccuper. »
Le Tac sourit.
« Allez-y, racontez-moi
vos exploits si ça vous amuse. Vous êtes venus à la nage ?
— Parachutés en
Gironde. Notre mission s’appelle « JOSÉPHINE B ». Nous devons tenter
de faire sauter la centrale électrique de Pessac, près de Bordeaux. Il paraît
que c’est d’une importance considérable. Si nous réussissons, plus de vingt
sous-marins allemands seront privés pour des mois de l’énergie qui ravitaille
leurs batteries, sans compter le merdier dans les communications.
— Le matériel ?
— Planqué sur place
chez un cultivateur recruté par Bergé. Le type n’a pas déçu, nous pouvons
compter sur lui. Il y a huit ventouses de plastic – autant que de
transformateurs dans la centrale.
— Elle est gardée, votre
centrale ?
— Non. C’est
incroyable, mais personne ne demeure sur place la nuit. Elle est bouclée, mais
déserte de 7 heures du soir à 8 heures du matin.
— Aucune difficulté,
apparemment ? C’est un jeu d’enfant votre truc.
— À un détail près,
Joël, c’est qu’après le feu de joie nous aurons un régiment entier sur le
paletot. Ils sont à moins de quatre kilomètres et ce ne sont pas des enfants de
Marie ! Ça fait six jours que nous les observons, ce sont des grands beaux
blonds avec des têtes de mort sur le col de leurs élégantes vareuses noires.
— Un régiment de
blindés ?
— Exactement.
— Eh bien, c’est
parfait : c’est une arme lourde, donc c’est difficile à remuer. »
14 mai. 22 heures. Le
Tac, Varnier et Forman gagnent Pessac à bicyclette. Le ciel est dégagé, mais il
n’y a pas de lune. Le mince faisceau de leurs phares camouflés éclaire à peine
à un mètre devant eux. Ils transportent les ventouses de plastic dans des sacs
à dos.
Les trois hommes sont
surpris par la facilité avec laquelle ils forcent la grille d’accès et la porte
de la centrale. Chacun d’eux sait exactement ce qu’il doit faire. Ils ont
convenu d’exécuter leur mission sans échanger un mot. Le système de retardement
des explosifs leur laisse un délai de fuite de cinq minutes. Tous les trois ont
songé que c’était une lacune à laquelle il faudrait remédier dans les
opérations futures.
Les parachutistes ont
repris leurs vélos sans nervosité, ils pédalent maintenant à une cadence
furieuse, ils ne pourront se séparer que dans les faubourgs de Bordeaux. La
chaîne de Le Tac décrante régulièrement sous les coups rageurs dont il frappe
les pédales.
Il reste deux kilomètres
à parcourir avant la ceinture de Pessac lorsque la première explosion déchire
la nuit. Brusquement une forte lueur illumine les trois hommes, leur ombre gigantesque
les précède, les sirènes hurlent, emphatiques et lancinantes. Les explosions se
succèdent, Le Tac ne pense plus au danger qu’il court, il pédale, surexcité par
la réussite.
Pas un instant les
Allemands ne pensent à une action de commando. C’est vers le ciel qu’ils
cherchent les responsables, et les parachutistes doivent leur salut à cette
erreur d’estimation.
Mission « JOSÉPHINE
B » réussie à cent pour cent, pertes néant, les saboteurs parviennent à
regagner leurs refuges bordelais sans le
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