Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
Vom Netzwerk:
extrait
    quelques morceaux de mouton qu’il dispose dans la paume de sa main gauche. Calmement
    il ouvre alors la porte de la niche. Le chien est un berger allemand adulte. Méfiant
    il observe l’homme qui vient de le délivrer. Mouhot le sent prêt à bondir. Son
    poing droit se resserre sur le manche de son arme, tandis que de sa main gauche
    il présente les carrés de viande à la bête. Brusquement l’animal se décide, en
    trois bouchées il engloutit la viande. Mouhot ne retire pas sa main, le berger
    lèche la graisse dont elle est imprégnée. Mouhot risque une caresse, le molosse
    l’accepte. Prudemment Mouhot inspecte l’intérieur de la niche, elle comporte
    deux écuelles vides. Avec des gestes précautionneux il en saisit une, y verse
    de l’eau. Le chien se précipite et lape avidement le liquide. Mouhot tente de
    nouvelles caresses, le chien ferme les yeux et s’assoupit.
    L’homme et l’animal
    demeurent six heures côte à côte sans que rien ne se produise. Lorsque le
    berger s’agite trop, Mouhot le caresse, lui parle, l’apaise. Il se prive de
    manger et de boire pour rassasier son nouveau compagnon.
    Il commençait à
    désespérer lorsqu’enfin le convoi s’ébranle. Dans la médina de Casablanca, il
    avait acheté une montre. Il essaie d’évaluer la vitesse du train, en conclut qu’il
    a une dizaine d’heures devant lui. Le convoi roule doucement, mais régulièrement.
    Vers 22 heures Mouhot suppose que la frontière est proche. Alors il pénètre
    dans la niche. Grâce à son incroyable souplesse, il parvient à s’y
    recroqueviller. Il fait ensuite entrer le chien qui, maintenant, lui obéit
    docilement. Passant un doigt par un des trous d’aération, il arrive à repousser
    le loquet. Le supplice que lui impose sa position se prolonge plus de deux
    heures ; heureusement le berger dort tranquillement, bercé par les cahots
    réguliers du wagon.
    Il est minuit passé
    lorsque, dans un long grincement suraigu, le convoi freine et s’arrête. Mouhot
    perçoit des voix qui viennent du quai, on parle arabe et espagnol. La porte du
    wagon est ouverte ; deux hommes le visitent, donnent des coups de gourdin
    sur les caisses.
    Mouhot devine qu’ils se
    rapprochent de la niche ; le gros chien aboie, grogne furieusement. Ce
    sont des douaniers arabes, ils rient, plaisantent, chahutent le chien qui
    grogne de plus en plus. C’est exactement ce que Mouhot souhaitait. Par jeu ils
    excitent la bête, jamais ils n’oseraient ouvrir la porte. L’un des Arabes imite
    les grognements du chien. Puis ils rient, crachent et s’éloignent, satisfaits
    par ce dérivatif imprévu.
    La porte est refermée, le
    convoi repart, roule une petite demi-heure et s’arrête à nouveau. Mouhot a plus
    de mal à ouvrir la niche qu’il n’en avait eu à la fermer. Il descend du wagon
    et se perd dans la nuit. Il est triste de quitter le chien, son seul compagnon
    depuis près de deux mois.
    Exalté par sa réussite, Mouhot
    attend fébrilement l’heure d’ouverture du consulat britannique. Le consul le
    reçoit, écoute son récit, pense qu’il a affaire à un mythomane et l’éconduit
    sans courtoisie.
    Une nouvelle fois l’évadé
    se retrouve seul dans une ville inconnue, n’osant se confier à quiconque par
    crainte d’être trahi. Il gagne la longue plage, s’étend à l’ombre d’un rocher
    et s’endort lourdement.
    Le soleil est bas lorsqu’il
    se réveille. Dans la rade un bateau a mouillé. Bien qu’il se trouve
    vraisemblablement à plusieurs kilomètres, Mouhot distingue le pavillon
    britannique. Il n’hésite pas. Dès que la nuit sera tombée, il tentera de gagner
    le navire à la nage. Il n’est pas sûr d’y parvenir, il est possible qu’il
    évalue mal la distance sous cette lumière qui ne lui est pas familière. Il est
    possible également que le navire appareille pendant qu’il nagera vers lui.
    Mais Mouhot est las de
    la multitude d’efforts solitaires qu’il fournit depuis des semaines. Son but se
    trouve à portée de vue, il considère qu’il doit risquer sa vie.
    Il a attaché l’argent
    qui lui reste et sa montre sur sa tête à l’aide d’un lacet de chaussure. Il a
    abandonné le reste de ses vêtements sur la plage. Et maintenant il nage, se
    maîtrisant pour conserver un rythme lent et souple. Il se force à ne lever les
    yeux vers le navire que toutes les cents brasses ; il redoute le froid
    plus que la fatigue. Il nage depuis près de deux

Weitere Kostenlose Bücher