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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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poids, de sa présence. Il fallait les convaincre de
    devenir ses complices. Il fut surpris de la facilité avec laquelle il y parvint.
    « Dès que le camion
    roule, tu sors de la marmite, avait recommandé le grand Noir. Si tu es pris, tu
    dis que tu t’es caché dans le camion. Comme ça peut-être, on nous embêtera pas. »
    Le chauffeur passe au
    point mort. Il freine. « C’est la porte », songe Mouhot, tassé dans
    son chaudron. « Première, seconde, je suis dehors. Je compte jusqu’à 200
    sans me presser, avant de sortir. » Le grand récipient est imprégné de l’odeur
    fade et écœurante de la soupe. Mouhot soulève le couvercle, sort, se glisse
    vers l’arrière du camion, il soulève un coin de bâche, risque un coup d’œil à l’extérieur.
    Il est 13 heures, les rues de Mirecourt sont désertes. Le camion ralentit, le
    chauffeur rétrograde, tourne sur la droite. Mouhot saute.
    Pendant qu’il s’assoit
    sur le trottoir, en feignant de relacer ses godillots, le véhicule s’éloigne. Mouhot
    pénètre sous un porche, trouve une porte, un escalier, une cave. Il s’allonge
    paisiblement et attend la nuit.
    L’évadé a enlevé ses
    chaussures qui pendent sur sa poitrine. Il se glisse prudemment à travers les
    rues, son seul repère c’est le canal, il doit le trouver et le traverser. Il
    emprunte les voies dans le sens de leur pente, finit par apercevoir, à une
    centaine de mètres, un pont gardé par deux sentinelles. Plusieurs ruelles permettent
    de le contourner, d’atteindre la rive.
    Le canal doit être large
    de trente mètres tout au plus. Sans hésiter, Mouhot se laisse glisser dans l’eau.
    Les lourdes bottines le gênent à peine ; il nage en souplesse, sans
    provoquer le moindre clapotis, résistant à l’envie de porter son regard vers le
    pont et les sentinelles. Sans encombre il prend pied sur la rive opposée. Sa
    montre s’est arrêtée au contact de l’eau, elle marquait 10 heures 5 minutes.
    Toute la nuit il marche
    à travers bois. À l’aube il se terre dans une grange qui paraît abandonnée. Il
    y découvre des vêtements de paysan, une veste et un pantalon de grosse toile, qu’il
    troque contre ses effets militaires encore humides. Il s’apprête à poursuivre
    son chemin lorsque, mû par une inspiration soudaine, il s’empare d’un grand
    râteau qu’il pose sur son épaule. Il n’a pas besoin d’étudier sa silhouette
    dans une glace pour être convaincu qu’elle cadre avec le paysage. Tant qu’il
    marchera à travers champs, affublé de son outil, il ne devrait éveiller aucun
    soupçon. On le prendra pour un paysan qui va ou qui revient du travail.
    En moins d’un mois, sans
    un centime en poche, sans un papier d’identité, Jacques Mouhot traverse la
    France, son râteau sur l’épaule, se guidant au soleil. Il contourne les villes
    et les villages. Il se nourrit au hasard des larcins commis la nuit dans des
    potagers ou des remises. Au bord d’un puits, il a découvert un rasoir mécanique
    et un pain de savon ; il se rase et se lave le plus souvent possible.
    Dans la première semaine
    d’août, il abandonne le râteau dans les faubourgs de Marseille. Une curieuse
    émotion l’étreint lorsqu’il se sépare de l’outil qui – il en est convaincu
    – lui a permis de réaliser son exploit.
    Pendant plusieurs mois, Mouhot
    traîne sur le port. Un travail de docker qu’on lui accorde par intermittence
    lui sert d’alibi, lui permet de se procurer quelques aliments, lui permet
    surtout de se renseigner sur les mouvements et la nationalité des navires. Pas
    un instant il ne se désespère : la tristesse, la dureté et la monotonie
    des jours qui passent sans lui apporter le moindre espoir ne le découragent pas.
    Il a confiance en son étoile, il sait qu’un jour la chance passera, il sait qu’alors
    il la reconnaîtra et la saisira.
    À l’approche de l’hiver,
    la situation n’a pas évolué, mais Mouhot est maintenant connu et accepté le
    long des quais du port commercial où nul ne se préoccupe plus de sa présence
    devenue familière.
    Le 14 décembre, il
    apprend que trois compagnies de soldats pétainistes sont en instance d’embarquement
    à bord du Sidi-Ferruch, à destination de l’Afrique du Nord. Il n’y prête
    pas une attention particulière, sachant qu’il est pratiquement impossible d’embarquer
    clandestinement. Mais un hasard va déclencher son action.
    Derrière une palissade, Mouhot
    découvre un

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