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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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heures et les lumières du
    navire ne scintillent encore que bien faiblement. Sous son menton le lacet le
    gêne ; rageusement il arrache l’argent et la montre, les billets s’éparpillent
    à la surface. Un instant il se sent plus à l’aise.
    « Quatre-vingt-dix-huit,
    quatre-vingt-dix-neuf, cent… » Il lève les yeux. Il ne semble pas s’être
    rapproché du navire. Alors c’est l’angoisse. « Je ne bouge pas, pense-t-il,
    je dois nager contre un courant, je suis trop éloigné pour regagner la rive, je
    vais crever, pourrir au fond de ce détroit, rongé par les bestioles, personne
    ne saura jamais ce que je suis devenu… » Il repense à son aventure, se
    retourne, fait la planche, il est convaincu que le courant l’éloigné de son but,
    il se souvient du lieutenant de Mirecourt : « Nos vainqueurs nous traitent
    bien, nous ne devons pas trahir leur confiance… »
    « L’ordure, le veau,
    et on lui a foutu des galons d’officier ! » Il revoit le lamentable
    troupeau avachi du Sidi Ferruch, ces répugnants mollusques, qui dégueulaient
    à quatre pattes sans gêne et sans dignité, alors il se remet à nager. « Si
    je me noie ce sera en luttant jusqu’à l’extrême limite de mes forces, je dois
    chasser l’idée d’échec jusqu’au bout, au moins je me noierai content de moi. »
    Une nouvelle idée l’obsède :
    « Il faut savoir si j’avance ou si je nage sur place, il me faut un témoin. »
    Il en trouve un. Son slip.
    Il le fait glisser le long de ses jambes, le tord pour en extraire l’eau et le
    jette le plus loin qu’il le peut. Il observe la petite tache blanche à la
    surface, puis il nage vers elle. Il n’éprouve aucune difficulté, il se convainc
    que le courant est pratiquement nul. Il laisse le slip derrière lui et reprend
    sa lente et harassante progression.
    Lorsque, à bout de
    forces, transi, vidé, le souffle rongé par l’eau de mer qu’il a happée à
    plusieurs reprises, Mouhot atteint la chaîne de l’ancre du navire, il aura nagé
    sept heures. Il est arrivé par la proue du bâtiment. Il a lu son nom : The
    Rescue. Il ignore que cela signifie « Le Sauveur ».
    Maillon par maillon, Mouhot
    grimpe le long de la chaîne de l’ancre. Il se hisse sur le pont, gagne le carré
    dans lequel des hommes jouent aux cartes. Nu, dégoulinant, grelottant, il
    pousse la porte. Il veut parler, mais il n’en trouve pas la force, il ne se
    souvient que des masques ahuris des marins anglais, il perd connaissance et s’effondre.
    Subjugué par l’exploit du
    Français, le capitaine du Rescue a fait pression sur le consul pour être
    autorisé à le conserver à son bord. Le colonel Bablon de la Légion étrangère, qui
    lui aussi comptait gagner la France libre via Gibraltar et qui était passager
    du Rescue, est également intervenu.
    Une semaine plus tard, Jacques
    Mouhot découvrait dans les locaux de l’Olympia à Londres le bureau de
    recrutement des parachutistes. Il signait son engagement sous le numéro 26.
     

7
    Ma chère maman,
    Je t’en supplie, ne me
    blâme pas, mon sang bout dans mes veines, je rêve de porter un fusil et de m’en
    servir. J’ai pris cent francs et ma carte d’identité. A Dieu vat ! Je veux
    être Français, Français encore, Français toujours.
    Ces quelques mots
    peuvent sembler naïfs, il faut savoir que lorsque Pierre Léostic les écrivit, il
    était âgé de quinze ans et huit mois. Après une succession de discussions
    fiévreuses, sa mère l’avait enfermé dans sa chambre, au premier étage d’un
    modeste pavillon de Rosendaël, dans la banlieue de Dunkerque.
    « La guerre n’est
    pas l’affaire des gamins, lui avait-elle ressassé. Tu resteras à la maison, dussé-je
    t’y enfermer. »
    Elle l’avait fait. Et c’est
    en pleurant que le jeune garçon venait de tracer au crayon, sur un papier
    grossier, la justification de sa première désobéissance.
    M me Léostic
    est partie faire ses courses. Sans hésiter, Pierre ouvre la fenêtre, dédaigne
    la gouttière ou tout autre artifice et saute en souplesse sur la terre meuble
    du jardin.
    Dans le port de
    Dunkerque, les bateaux surchargés appareillent. Pierre arrive à s’embarquer à
    bord de l’un d’eux.
    À Londres, il ne fait
    pas usage de sa carte d’identité. Il ment sur son âge, se vieillit de trois ans.
    Le capitaine Bergé ne met pas en doute l’âge prétendu de Pierre Léostic : le
    jeune Breton mesure 1,85 m, pèse 80 kilos. C’est un athlète

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