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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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couché sur une table, le soldat que Bergé a grièvement blessé est
    sommairement opéré. Dans l’angle opposé, les prisonniers distinguent un bureau
    de bois grossier et une chaise.
    Un lieutenant pénètre
    dans la pièce. Il marche d’un pas rapide et rythmé, lance un ordre sans se
    retourner, sans un regard vers les prisonniers. À hauteur de la table, il se
    retourne et, abandonnant brusquement sa rigidité militaire, il s’assoit sur le
    coin du meuble, sort de la poche de sa chemise un étui, en extrait une longue
    cigarette à bout doré qu’il allume à l’aide d’un briquet en or. Il observe
    attentivement les parachutistes entravés qu’un soldat pousse vers lui. D’une
    voix douce, il susurre un ordre. Instantanément les liens sont tranchés. Les
    trois Français font jouer leurs articulations, se frottent les bras, les
    poignets et le cou.
    D’une voix qu’il veut
    conserver suave, l’officier allemand interroge dans un excellent français :
    « L’un de vous
    parle-t-il le français ou l’allemand ? Hélas ! messieurs, j’ignore
    tout de la langue anglaise.
    — Nous sommes
    français tous les trois », tonne Bergé.
    L’Allemand est
    sincèrement surpris.
    « Des soldats de De
    Gaulle ?
    — C’est exact.
    — Je crains que ça
    n’arrange pas votre cas. Non seulement vous allez être considérés comme
    francs-tireurs, mais encore comme traîtres à votre pays.
    — C’est un point de
    vue que je ne partage pas. De toute façon, il vous sera difficile de nous
    fusiller plus d’une fois chacun. »
    L’officier sourit. Il
    est évident qu’il est enchanté de cette conversation au cours de laquelle il
    peut faire étalage de sa parfaite connaissance de la langue de ses prisonniers.
    Il réfléchit un long moment avant de reprendre :
    « Je me demande si
    je parviendrais à faire preuve de votre arrogance si un jour je me trouve dans
    votre situation. Je l’espère. »
    Bergé hésite. Doit-il
    renvoyer la balle ? Se faire le complice de ce dialogue ? Il pense qu’après
    tout ça ne serait pas mauvais pour le moral de ses amis. Il réplique :
    « Si vous survivez
    en tant qu’officier S.S., je pense que vous aurez un jour tout loisir d’en
    faire l’expérience. Vous pourrez alors répondre à votre question. »
    L’Allemand éclate d’un
    rire théâtral. Il se penche pour sortir un cahier du tiroir de la table ; toujours
    jovial, il interroge :
    « Nom, grade, matricule ?
    Je suppose que vous refuserez de répondre à d’autres questions ?
    — Vous supposez
    bien. Je suis Georges Bergé, commandant du French Squadron, rattaché aux
    parachutistes S.A.S. de l’Armée britannique. Voici les caporaux Sibard et
    Mouhot. »
    Mi-narquois, mi-sérieux,
    l’Allemand se lève, se fige, et lance :
    « Mes respects, commandant.
    Vous et vos hommes avez-vous faim et soif ? »
    Sur l’affirmation de
    Bergé, le lieutenant lance un ordre : très rapidement, du pain, de la
    viande séchée et du vin sont apportés. Les trois Français se jettent sur la
    nourriture. Ils sont rassasiés lorsqu’une voiture freine dans la cour. Des
    portières claquent. Presque aussitôt tous les occupants du réfectoire se dressent
    comme mus par un même ressort. Un major, suivi de deux capitaines, pénètre dans
    la pièce. Bras tendus les trois arrivants tonnent : « Heil Hitler ! »
    et se dirigent vers les prisonniers.
    Le major est un grand
    gaillard au physique de bûcheron. D’entrée, il se lance dans un monologue vociférant,
    soutenu par une colère non feinte. Il écume littéralement, hurle des sons
    gutturaux qui résonnent sur les murs plâtrés de la pièce. La voix sereine, les
    intonations volontairement nappées de mansuétude du lieutenant qui traduit au
    fur et à mesure forment un contraste grotesque.
    « Vous êtes des
    bandits ! des assassins ! des francs-tireurs ! Notre major
    déplore la douceur du peloton d’exécution, considère que c’est – pour des
    vermines telles que vous – -une mort trop noble, regrette qu’il ne soit pas
    prévu par nos règlements militaires un processus d’extermination qui
    conviendrait mieux aux chacals, aux charognards, que vous représentez à ses
    yeux. »
    Le ton du lieutenant
    traducteur est celui d’un hôte qui reçoit des invités précieux. Ignorant le
    major, s’adressant au lieutenant, Bergé réplique calmement :
    « Dites à votre
    guignol que je l’emmerde et qu’il me foute la paix ! »
    Visiblement

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