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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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le
    lieutenant traduit une tout autre réponse. Toujours déchaîné, l’officier
    supérieur poursuit son monologue :
    « Le major déplore
    de ne pas être chargé lui-même de vous passer par les armes. Il a reçu l’ordre
    de vous livrer à la Luftkommandantur d’Heraklion qui vous réclame. Vous
    serez fusillés là-bas. Un tribunal d’exception siégera demain matin en votre honneur. »
    Après le départ du major
    qui s’effectue aussi brusquement que son arrivée, les trois Français sont rattachés.
    Cette fois on leur entrave également les pieds. Ils sont jetés comme des sacs
    sur le plateau d’un camion bâché. Toujours souriant, le lieutenant s’approche
    du camion :
    « Je n’ose pas vous
    souhaiter bon voyage, commandant. Mais j’aimerais que vous sachiez que je ne partage
    pas l’opinion de mon chef, je pense que vous êtes trois soldats parmi les meilleurs. »
    L’officier allemand
    salue respectueusement. Toute attitude narquoise l’a abandonné. Pour la
    première fois, il paraît sincère.
    Le lourd véhicule
    progresse régulièrement, sans se soucier des nombreuses imperfections de la
    route. Chaque cahot secoue les prisonniers entravés, chaque choc provoque des
    douleurs impossibles à éviter.
    « Vous pensez qu’on
    va nous fusiller demain, mon commandant ? demande Sibard.
    — C’est probable, mon
    vieux, nous connaissions avant de partir les risques que nous courrions. La mission
    a réussi, c’est l’essentiel. Pensez-y. Pensez aussi à Pierrot, ça vous donnera
    du courage. »
    Dans la nuit, le convoi
    arrive à l’aérodrome d’Heraklion. Les prisonniers traversent le lieu de leurs
    exploits ; ils peuvent apercevoir les carcasses calcinées des appareils qu’ils
    ont détruits, puis on les jette dans des cellules individuelles.
    Il est 8 heures du matin,
    le 20 juin. On leur a passé les menottes. Mouhot et Sibard sont assis, les
    mains reposant sur leur ventre. Il y a vingt minutes que Bergé est entré dans
    la salle dans laquelle siège le tribunal d’exception. Il ressort ; on le
    fait asseoir près de ses hommes.
    « Nous devons êtes
    fusillés demain à l’aube, déclare-t-il sans émotion. Mais faites attention, c’est
    un tribunal de maîtres chanteurs. Bouclez-la sur toutes leurs questions. Ils
    vont vous promettre la vie contre des renseignements. Croyez-moi, ça ne
    changerait rien, ils ne tiendraient pas leur parole. »
    Devant le tribunal
    présidé par un général de la Luftwaffe, les deux Français tiennent le coup sans
    faiblir. Mouhot joue les butés, Sibard, les abrutis. Les Allemands n’apprennent
    rien d’eux. Comme Bergé, ils sont condamnés à mort.
    Pendant près de
    vingt-quatre heures, ils se préparent à mourir. Aucun espoir ne subsiste en eux,
    et pourtant la matinée du 21 juin se passe sans que rien ne se produise, rien d’autre
    que la visite d’un feldgrau hébété qui leur apporte une boule de pain et
    une soupe.
    Pendant dix jours, les
    trois parachutistes vont vivre dans une abominable, cruelle, inhumaine
    incertitude, soumis tour à tour au régime sadique ou bienveillant d’une
    lamentable douche écossaise. Des hommes viendront les rassurer par le judas de
    leur cellule, d’autres les exciter en leur promettant une exécution imminente. Avant
    chaque aube, ils demeurent des heures, haletants, attentifs au moindre bruit
    inhabituel.
    Le 2 juillet, les trois
    Français sont extraits de leur cachot. Ils ne se sont pas vus depuis la séance
    du tribunal. Deux soldats les convoient jusqu’aux toilettes ; on leur
    distribue des rasoirs, du savon.
    « Vous croyez que
    ça y est, mon commandant ? interroge Mouhot.
    — Je n’en sais pas
    plus que toi, mais de toute façon, je préfère mourir propre et rasé. »
    On leur donne une
    chemise et un pantalon décent, une paire de bottines de toile. Ils sont ensuite
    accompagnés en voiture en bordure du camp, à l’intérieur d’une villa. Dans un
    salon sobre, ils sont mis en présence de plusieurs officiers aviateurs. Le plus
    haut en grade est un très jeune colonel qui prend la parole dans un français
    parfait :
    Asseyez-vous, Bergé. Je
    dois dire qu’à cause de vous j’ai eu bien des ennuis. Votre sabotage a
    compromis mon avancement. »
    Un commandant l’interrompt
    en allemand. D’un signe de tête le colonel approuve :
    « C’est juste, poursuit-il
    en français, il nous semble plus humain de vous annoncer avant toute chose que
    le Führer a décidé de vous

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