Qui ose vaincra
suggérez
que nous nous fassions massacrer avec eux pour arranger les choses ! hurle
Botella. Mais vous êtes tous devenus cinglés. Ça fait trois ans qu’on vous
entraîne et vous agissez tous comme des boy-scouts arriérés. Par leur désobéissance,
ces quatre crétins mettent en jeu la vie d’une centaine de leurs camarades et, ce
qui est plus grave, l’issue de notre mission. S’ils s’en sortent, je les ferai
traduire en conseil de guerre.
— On y va tout de
même, mon lieutenant. »
Botella change de ton, l’amertume
fait place à la colère.
« Vous savez bien
que s’il y avait une chance sur mille je la tenterais ! Tout ce que nous
pouvons faire, c’est tendre des embuscades sur le chemin de retour des
Allemands. S’ils tiennent assez longtemps, nous aurons peut-être le temps de
placer le dispositif. »
Botella déplie une carte
par terre, tombe à genoux :
« Voici la ferme, explique-t-il.
Je suppose que les Allemands sont motorisés, la présence d’armes lourdes le
confirme. Ils ont donc obligatoirement emprunté ce chemin pour parvenir à la
ferme et l’encercler. Logiquement, c’est par là qu’ils évacueront. Je me porte
ici en lisière de forêt. Deux F. M. bien placés et l’effet de surprise
doivent suffire à foutre une sacrée pagaille. Litzler, vous vous porterez ici :
si les Allemands se replient, c’est par là qu’ils passeront.
— Ou par là, mon
lieutenant, fait observer Litzler en pointant son doigt sur une veine de la
carte.
— C’est juste. Avant
d’occuper votre position, prévenez le lieutenant Lasserre de tendre un piège
ici et pour plus de sûreté, que l’aspirant Metz et ses hommes s’embusquent à ce
point. Prenez Jojo, je conserve Char-lot. Faites vite, tout en dépend. »
Le groupe Botella est
efficacement embusqué au point prévu lorsque le silence revient, témoignant que
toute résistance a cessé à la ferme. Sans un mot les parachutistes se regardent.
Ils pensent à leurs compagnons.
Le mousse Prigent essuie
la crosse de son fusil mitrailleur. À l’aide d’un foulard de soie taillé dans
un parachute, il essuie la paume de sa main moite, passe la soie sur son front.
Il transpire malgré la fraîcheur matinale. De lourdes minutes passent dans un
silence opprimant.
Aux quatre coups secs du
pistolet de Munch les parachutistes sursautent, n’arrivant pas à comprendre
leur signification. C’est le mousse Prigent qui, le premier, perçoit l’odeur du
feu.
« Ça crame, mon
lieutenant. Ils ont foutu le feu, les ordures.
— Tenez-vous prêts
et taisez-vous. »
Le premier camion geint
en première. Botella ne s’est pas trompé : les Boches vont donner droit
dans l’embuscade. Les mains se creusent sur les crosses des armes. Le premier
véhicule apparaît, s’avance lourdement, mais derrière lui c’est le vide. Botella
peste. Il aurait dû s’en douter, les Allemands savent faire la guerre : ils
ont laissé une cinquantaine de mètres entre leurs camions.
« Ne tirez pas
avant mon ordre, laissez passer le premier, siffle Botella. Concentrez le tir
sur les deux premiers véhicules. »
C’est un carnage. L’effet
de surprise est tel que les Allemands ne peuvent même pas évacuer leurs
véhicules qui sont criblés par un feu croisé. Les bâches de toile qui
recouvrent l’arrière sont déchiquetées.
Le chauffeur du premier
camion bascule sur son volant ; il s’agrippe à l’interrupteur des phares
qui s’allument, puis le réservoir explose et le véhicule s’embrase.
Du second véhicule
quatre soldats sont parvenus à évacuer ; ils ne cherchent pas à se battre,
ne pensant qu’à fuir. Ils sont abattus dans leur course.
Cent mètres derrière, le
troisième camion a le temps de stopper et de faire marche arrière. Dans sa hâte
d’échapper à l’embuscade, le chauffeur emboutit le radiateur de la traction de
Munch qui suivait. Munch, le sergent et son chauffeur abandonnent le véhicule
inutilisable.
« Pousse tout ! »
hurle Munch en direction du camion.
Le 5 tonnes Mercedes est
à peine gêné par le poids de la voiture folle qui se tourne en travers et se
renverse sur le bon côté, laissant la voie libre au camion.
« Passez derrière
la ferme, ordonne Munch. Nous allons rejoindre nos lignes à travers bois. »
En courant il s’engouffre
dans la forêt suivi du sergent et du chauffeur.
Le troisième camion fait
demi-tour devant la ferme
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