Qui ose vaincra
est impossible. Enfin
Munch aperçoit une ferme.
La ferme s’appelle Ker
Hamon.
À l’intérieur, quatre parachutistes
et deux résistants se chauffent à un feu de bois. Par prudence, Munch a fait
arrêter la voiture à une trentaine de mètres, et le fracas de la pluie a
couvert le bruit du moteur.
Les deux sous-officiers
ont dégainé leurs pistolets. D’un coup brusque, ils ouvrent la porte et tombent
en arrêt. Ils s’attendaient à tout, sauf à trouver des soldats alliés en uniforme.
Au lieu de profiter de l’avantage que leur donnent leurs armes à la main, ils
reprennent la porte et courent comme des déments vers la voiture.
Très vite des coups de
feu partent de la ferme. Munch s’étale dans la boue ; le sergent se
retourne et vide le chargeur de son Parabellum, permettant à l’adjudant de se
relever. Ruisselant de pluie, maculé de boue, Munch s’engouffre dans la traction.
Le chauffeur est paralysé par la surprise ; le sergent saisit un second
pistolet et poursuit son tir. Joseph tremble comme une feuille et se
recroqueville sur le siège avant ; bêtement il se met à crier au secours.
La voiture démarre. Munch
passe sa fureur et son humiliation sur Joseph ; il le saisit par les
cheveux et lui cogne la tête à plusieurs reprises sur le pare-brise. Le sang
ruisselle du nez et des arcades sourcilières éclatées du Français.
« Vous risquez de
casser le pare-brise, mon adjudant », fait remarquer calmement le sergent.
Munch lâche Joseph qui s’effondre
comme une loque et se met à pleurer. L’adjudant semble seulement retrouver ses
esprits et réaliser.
« Des parachutistes
anglais ! La forêt grouille de parachutistes anglais ! Ils étaient
une bonne vingtaine dans cette ferme.
— Ils étaient
quatre », rectifie le sergent flegmatique.
La traction de l’adjudant-chef
Munch a retrouvé son chemin. Elle vient de passer le Bourgneuf et roule dans un
chemin cahotique en direction de Kerviou où elle rejoindra la départementale. La
pluie a cessé. Les Allemands croisent un paysan qui prudemment s’efface pour
laisser passer la voiture.
« Arrête ! »
ordonne Munch au chauffeur.
Munch descend, dégaine
son Parabellum. Intrigué plus qu’effrayé, le paysan pose sa bêche, s’appuie des
deux mains sur le manche. Munch, à bout portant, lui tire quatre balles dans la
tête, puis il regagne la voiture et dit simplement :
« Allez ! »
Le sergent hausse les
épaules, indifférent.
16
Jour J + 4. Le largage
des renforts s’est effectué sans encombre. Les parachutistes se sont éparpillés
dans la forêt de Duault par petits groupes ; les F.T.P. se sont joints à
eux. La base Samwest est placée sous le commandement du capitaine Leblond qui a
sauté la veille.
L’incident de la ferme
Ker Hamon a déclenché l’inquiétude, et Leblond et Botella ont interdit l’approche
de la ferme à leurs hommes. Priés d’évacuer les lieux, les fermiers de Ker
Hamon, un couple de vieillards, ont courageusement refusé.
Hélas ! Ils
entretiennent un accueillant feu de bois, possèdent quelques vivres, quelques
bouteilles de vin et de cidre.
La quiétude de la
journée du 9 juin incite un groupe de parachutistes et de partisans à aller se
chauffer et se détendre un instant dans la tiédeur hospitalière du foyer breton.
Les parachutistes sont
quatre : le caporal-chef Taupin, les 2 e classe Werry, Bourdon
et Ruelle ; les partisans sont deux : Henri Ruppert et Nicolas.
Il est 7 heures du matin,
les trois camions de la compagnie Munch ont stoppé à l’abri à cinq cents mètres
de la ferme. Une centaine d’hommes se déploient en tirailleurs, encerclant la
ferme, et, pas à pas, resserrent les mâchoires de la tenaille à moins de
cinquante mètres de la bâtisse. Ils mettent en batterie des mitrailleuses
lourdes.
À l’intérieur, les
soldats et les fermiers cassent la croûte ; Bourdon et Taupin se chauffent
les cuisses, le dos tourné à la cheminée.
Soudain, les
mitrailleuses allemandes crachent au hasard ; les balles font voler les
vitres en éclats, déchirent le bois de la porte, trouent des sillons dans le
plâtre des murs. Le grand buffet breton vibre et frémit sous les rafales ;
une porte se détache, tombe sur Nicolas qui, comme les autres, s’est jeté à
terre ; la vaisselle brisée se répand dans un fracas cristallin.
Werry est le premier à
réagir, il évalue la position de l’une des
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