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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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gamins armés de
    lance-pierres ? Possible après tout, mais Fueller en doute. De toute façon,
    maintenant, il n’a plus le choix. Il va transmettre un ordre qui lui répugne, décharger
    sa responsabilité sur un homme qu’il méprise. Il gagne la porte, réclame à la
    sentinelle de garde l’adjudant-chef Munch.
    L’animosité du
    commandant vis-à-vis d’Ernst Munch est réciproque. L’adjudant-chef est un blond
    aux yeux pâles, au teint cireux, aux lèvres minces. La pénurie de cadres lui a
    permis de former et de commander une compagnie qu’il a forgée à son image. Il a
    choisi lui-même ses hommes : tous des tueurs.
    Munch se tient au
    garde-à-vous. Son regard flou et la courbe de ses lèvres minces suffisent à
    trahir le peu d’estime dans laquelle il tient son chef. Fueller se fout de l’opinion
    du sous-officier, c’est plutôt pour lui-même qu’il tente de se justifier.
    « Les ordres du
    général Koltitz me contraignent à vous confier l’assainissement de la forêt de
    Duault. Partez immédiatement, faites-moi un rapport biquotidien.
    — J’ai carte
    blanche, mon commandant ? »
    Fueller se retourne, plonge
    son regard dans le parc ; il devine derrière lui le sourire du
    sous-officier. Il n’ose faire face pour l’affronter et songe que c’est sa
    deuxième lâcheté de la matinée.
    « Vous avez carte
    blanche », articule-t-il enfin.
    La traction avant
    repeinte couleur caca-d’oie vient de passer Callac. Le chauffeur est habile, il
    conduit très vite, mais sûrement. Depuis une dizaine de kilomètres, il a lâché
    les trois camions qui transportent la compagnie Munch.
    À l’arrière de la
    traction, Munch est vautré aux côtés du sergent qui le seconde. À l’avant, près
    du chauffeur, un Français d’une trentaine d’années – les sous-officiers l’appellent
    Joseph – ne semble pas à l’aise dans son rôle de traître. La chaleur de ses
    convictions est visiblement tombée depuis l’annonce du débarquement allié. Mais
    surtout Munch vient de lui jouer un tour de cochon. Pendant deux heures, à
    Belle-Isle-en-Terre, il lui a fait lâcher les noms de tous les suspects du
    village de Duault. En échange, l’Allemand avait promis à Joseph qu’il ne
    participerait pas à l’expédition. Mais une fois les noms donnés, l’adjudant
    avait éclaté de rire. Alors que Joseph s’apprêtait à prendre congé, il l’avait
    attrapé par le bras sans ménagement, et traîné jusqu’à la traction.
    « Qu’est-ce que tu
    crains ? avait-il plaisanté cyniquement. Tu combats du bon côté, non ? »
    Joseph était connu de
    tous à Duault, et si jamais la roue tournait, sa peau ne vaudrait plus très
    cher. En voyant défiler la route qu’il connaissait mètre par mètre, Joseph s’efforçait
    de chasser de son esprit cette pensée inconfortable.
    À Duault, le sinistre
    ballet commence avec l’arrivée de la troupe. Les maisons sont visitées et pillées ;
    les hommes frappés à coups de crosse ; vitres, meubles, portes sont brisés.
    Munch n’arrête ses hommes déchaînés que pour poser sa question : « Où
    sont les terroristes ? »
    Le village se tait. Personne
    ne sait rien. Les hommes serrent les dents sous les coups ; les femmes
    assistent en silence à la démonstration de terreur.
    « J’emmène des
    otages, déclare enfin Munch. Je reviendrai demain. Si l’un de vous ne s’est pas
    décidé à parler, ils seront fusillés. »
    Six hommes sont choisis
    au hasard. Sans hésitation, ils montent dans les camions.
    Dans la matinée, à
    quelques kilomètres de là, un incident mineur en soi s’est produit, mais qui
    pourtant va s’avérer tragique de conséquence.
    Un élément léger du
    Génie allemand avait été chargé de baliser les chemins vicinaux qui longent la
    lisière de la forêt. Le travail des soldats avait été observé par un résistant F.T.P.
    qui, tout naturellement, avait tourné les pancartes après le passage des
    soldats, dans le but évident de brouiller l’ennemi. Et c’est précisément ce
    chemin que Munch a décidé d’emprunter pour gagner Maël-Pestivien où il a donné
    rendez-vous au reste de sa compagnie, qui, elle, prendra l’axe
    Callac-Saint-Servais.
    Il est 18 h 30,
    il pleut à torrents. Bernée par les poteaux sabotés, la traction cahote dans un
    chemin boueux et s’enfonce au cœur de la forêt. À l’arrière, Munch vocifère à l’adresse
    de son chauffeur qui n’y peut rien : faire demi-tour

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