Qui ose vaincra
Personne n’y vient jamais, vous serez ici en
totale sécurité. »
Lebreton et Édith Moquet
avaient préparé une pièce relativement intacte, installé deux matelas, des
draps, des couvertures. Les parachutistes sont allongés. Lebreton examine alors
les blessures. Édith Moquet l’éclairé à l’aide d’une faible lampe portative. La
jeune fille est prise d’un haut-le-cœur lorsqu’elle découvre la plaie dans le
dos de Lasserre. La déchirure est large, la plaie grouille de vermine.
« Ce n’est pas le
moment de faire des vapeurs de vierge, Édith, grince le médecin. Paradoxalement,
c’est probablement cette vermine qui lui a sauvé la vie : elle a empêché l’infection. »
La jeune fille se reprend,
aide à nettoyer la plaie, à confectionner un pansement sain.
« Il s’en sortira, annonce
le docteur Lebreton, voyons l’autre. »
Pour Botella les choses
s’annoncent plus mal : les balles ont provoqué une sale fracture du fémur.
Lebreton hoche tristement la tête :
« Je ne peux rien
pour vous, mon vieux. Je crains qu’il ne faille vous amputer, sinon vous
risquez la gangrène.
— Je prends le
risque, docteur, je tiens à ma jambe.
— Ce n’est pas si
simple. Il faudrait de toute façon réduire la fracture et je ne suis pas
chirurgien.
— Alors, vous
pouvez encore moins m’amputer ?
— Hélas !
— Ma situation
semble sans issue.
— J’ai un camarade
de faculté qui est chirurgien à l’hôpital de Saint-Brieuc. Il faudrait y aller,
le décider, annonce Lebreton comme s’il se parlait à lui-même.
— Rivoualan ! Je
vais y aller, interrompt Édith Moquet, en vélo j’en ai pour quatre heures, je
le déciderai. »
Elle revient dans le
début de l’après-midi du lendemain. Le docteur Rivoualan n’a pas hésité, il a
chargé le vélo d’Édith à l’arrière de sa 401 Peugeot et s’est tout de suite mis
en route.
Botella est opéré, plâtré.
Il sauvera sa jambe.
Jusqu’à la Libération, Édith
Moquet servira d’infirmière aux deux blessés. Elle viendra chaque jour les
ravitailler, leur apporter des nouvelles, les distraire par de joyeux
bavardages.
Au régiment, Botella et
Lasserre étaient considérés tombés au combat lorsque parvint la miraculeuse
nouvelle de leur survie.
18
Quand, au jour J 4,
il s’était agi de répartir les missions de sabotage en Bretagne, Bourgoin et
Puech-Samson s’étaient trouvés, à plusieurs reprises, devant de délicats
dilemmes.
Dix-huit nouveaux
commandos devaient être largués à J + 1, mais si les risques étaient à peu près
égaux pour tous, certaines missions étaient beaucoup plus importantes que d’autres.
L’une d’entre elles, avait souligné le général Mac-Leod, était vitale.
Il s’agissait de bloquer
la voie ferrée Paris-Rennes-Brest. Des spécialistes du B.C.R.A. avaient été
parachutés six mois auparavant pour étudier le problème, et ils étaient revenus
avec une unique solution : le tunnel de la Corbinière.
Le tunnel de la
Corbinière est situé près de Messac, à une cinquantaine de kilomètres de Rennes.
Il est encaissé au fond d’un étroit ravin : un convoi qui sauterait et se
coucherait à l’intérieur bloquerait la voie pour au moins un mois.
La voie ferrée
Paris-Brest inutilisable pour les Allemands, c’était un état de choses qui
pouvait considérablement changer la physionomie des combats en Normandie.
Bourgoin devait parmi
les siens désigner cinq hommes. Cinq hommes capables de réussir l’impossible. Car
si les conclusions des spécialistes du B.C.R.A. étaient évidentes, les
Allemands, sans conteste, étaient parvenus aux mêmes. Le tunnel était jour et
nuit gardé par des groupes d’élite ; trois nids de mitrailleuses en
interdisaient toute approche.
Pour diriger le commando,
il convenait donc de désigner un officier d’une grande audace, d’une folle
témérité, un homme qui ne se découragerait jamais quelles que soient les
difficultés ou les risques devant lesquels il se trouverait.
Bourgoin et Puech-Samson
passaient en revue depuis deux heures la liste de leurs jeunes officiers. Ils
arrivaient à l’heureuse conclusion qu’à peu près tous pouvaient convenir, mais
aussi au douloureux embarras qu’un choix logique était pratiquement impossible.
Pourtant il existait un
oiseau rare. Un officier avait été le premier nommé. Sans cesse son nom
revenait sur le tapis, mais s’il
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