Qui ose vaincra
y avait un énorme « pour », il était
contrebalancé par un non moins énorme « contre ».
Ce nom autour duquel les
deux chefs n’arrêtaient pas de tourner était celui du sous-lieutenant Michel de
Camaret.
« Je suis d’accord
avec toi, il est fou, admettait Puech-Samson. C’est d’ailleurs un incontestable
avantage, une immense qualité, mais la témérité de Camaret risque de se retourner
contre lui. Si on me demandait de désigner un type pour donner l’assaut à la
baïonnette tout seul à une division blindée et ce, en chantant La
Marseillaise, mon choix se porterait sur Camaret sans la moindre hésitation.
Mais tu sais aussi bien que moi que ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Et que
Camaret se fasse tuer dans la première demi-heure qui suivra son atterrissage n’empêchera
en rien le Paris-Brest de passer. Même si Michel obtient la plus belle citation
posthume du bataillon.
— Il y a du vrai, reconnaît
Bourgoin, mais tu exagères. De Camaret est intelligent, tu le sais aussi bien
que moi. Si on lui explique l’importance de sa mission, je le crois capable de
réfréner sa fougue et sa haine. Il sera capable aussi d’aller au-delà des
autres. C’est pour ça que notre choix doit à mon avis se porter sur lui. J’ajoute
qu’il sera accompagné par un sous-officier et trois hommes. On peut, pour
contrebalancer Camaret, les choisir parmi les plus modérés, sélectionner des
hommes qui pourraient, à bon escient, réfréner les ardeurs de leur chef.
— Mon commandant, tu
te fous de moi, ou quoi ? Tu vois sérieusement un sergent balancer à
Camaret : « C’est peut-être un peu risqué, un peu trop dangereux ce
que vous nous demandez là, mon lieutenant » ? S’il s’en tire avec une
balle de 11,43 dans la gueule, il pourra se considérer comme un verni, ton
sous-officier modéré ! Cela dit, tu me donnes une idée. Il y a un type au
bataillon, et un seul, qui soit capable de canaliser la fougue de Camaret, c’est
son aller ego Denys Cochin. Ils font partie, tous les deux, de la même
bande de ruffians, mais Cochin est, disons, plus nuancé. Si tu les envoies
ensemble exercer la même passion que celle dont ils font preuve pour foutre le
bordel à chacune de leur permission, ça va devenir malsain, effectivement, de
se promener dans son tunnel. »
Bourgoin reste songeur.
« Évidemment, finit-il
par répondre. Mais ça fait deux sous-lieutenants pour une seule mission.
— Oui, mais quelle mission !
— Évidemment, Don
Quichotte et Sancho Pança, reprend Bourgoin. Et on peut y ajouter le sergent
Détroit, Collobert et Nunès.
— Par exemple, conclut
Puech-Samson, et si avec une chimie pareille le Paris-Brest continue à rouler, nous
n’aurons plus qu’à réclamer la mutation du bataillon au Théâtre aux Armées. »
6 juin - Jour J. Michel
de Camaret et Denys Cochin viennent d’apprendre qu’ils sautaient dans la nuit. Bourgoin
et Puech-Samson leur ont exposé les détails et l’importance de leur mission. Ils
rejoignent à grands pas leur baraque dans laquelle ils viennent de convoquer
Détroit, Collobert et Nunès.
« C’est quand même
bizarre, deux officiers pour la même mission, fait remarquer Camaret. D’autant
que nous sommes les seuls du bataillon dans ce cas.
— Ça n’a rien de
bizarre, rétorque Cochin. Tu ne pensais pas qu’ils allaient te laisser partir
seul ? Ils ont le trac que tu te dégonfles, ils m’ont sûrement désigné
pour te pousser au cul. »
Camaret hausse les
épaules.
« Ou pour me
distraire, tu es tellement marrant. »
8 juin. 6 h 30
du matin. Il y a près de vingt-quatre heures que le commando Camaret-Cochin est
embusqué dans un épais buisson. Les parachutistes surplombent d’une
cinquantaine de mètres le tunnel, la voie, les postes de garde allemands. Cochin
et Camaret se repassent les jumelles, notent les moindres mouvements des
sentinelles.
Au début tout avait
merveilleusement bien marché. Ils avaient constaté, en rampant dans la nuit
comme des chats, que les postes allemands étaient excessivement mal disposés. Pour
des raisons pratiques évidentes, les trois nids de mitrailleuses se trouvaient
dans le fond du ravin.
Malgré les craintes
énoncées par les agents du B.C.R.A., les Allemands ne devaient redouter que
mollement une attaque sur le tunnel, et les factionnaires considéraient ce
poste comme un semi-repos. S’ils avaient disposé un nid
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