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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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de mitrailleuses au
    point exact d’où les parachutistes français les observaient, toute action
    aurait été rendue beaucoup plus délicate.
    Hélas ! devant un
    fait plus grave, l’euphorie des parachutistes s’était vite dissipée : depuis
    vingt-quatre heures aucun train n’était passé, pas le moindre mouvement ne s’était
    déclaré sur la voie, et ceci expliquait peut-être cela.
    Michel de Camaret est à
    bout de nerfs. Il veut agir. Il est rageur, exaspéré d’observer les Allemands
    sans rien faire. Pour la dixième fois, il ressasse à Cochin :
    « Enfin, bordel de
    merde, butons-les ! Ils ne sont que neufs et ils roupillent à moitié. On n’en
    a pas pour une minute. Après, on installe les charges et on attend.
    — Tu ne veux pas
    arrêter de déconner, Michel ? Ils ont sûrement, plusieurs fois par jour, des
    contacts radio et téléphoniques avec leur base. S’ils n’appellent pas ou s’ils
    ne répondent pas, on va leur envoyer du renfort pour voir ce qui se passe.
    — Et alors ? On
    attendra les renforts. Il y a un seul sentier pour parvenir jusqu’ici. La base
    ne va pas envoyer une division pour voir si le téléphone est en dérangement.
    — Maintenant, arrête,
    tu me pompes le cervelet. Je sais aussi bien que toi qu’on peut tuer des
    Allemands et qu’on peut même en tuer beaucoup. Mais ça n’est pas pour ça qu’on
    nous paie. C’est pour faire dérailler un train dans le tunnel. Et un train, y
    en a pas.
    — De toute façon, s’il
    en arrive un, il ne risque pas de sauter.
    — Tu m’emmerdes, Michel.
    Ce qu’il faut, c’est se renseigner. Y a forcément quelqu’un qui est au courant
    du mouvement.
    — Tu veux aller à
    la gare demander les horaires ? raille Camaret.
    — Et pourquoi pas ?
    Tu as mieux à me suggérer ?
    — Tu es sérieux, Denys ?
    — Je n’ai jamais
    été aussi sérieux de ma vie. Dès que le jour tombera nous irons à Messac ;
    il y a à peine trois kilomètres ; là nous tâcherons de trouver le chef de
    gare.
    — En espérant que c’est
    un Allemand qui le fait cocu et qu’il va tout nous balancer pour se venger.
    — Primo, ça ne peut
    être qu’un Allemand qui le fait cocu, tous les Français valides du coin étant
    dans le maquis. Secundo, les employés de la S.N.C.F. n’ont pas la réputation d’être
    particulièrement collaborateurs.
    — Et s’il n’est pas
    cocu ? intervient le sergent Détroit.
    — Ça ne se serait
    jamais vu », répondent presque en chœur les sous-lieutenants qui ont
    retrouvé leur optimisme.
    Messac, 19 h 30.
    Cochin et Camaret ont laissé Détroit, Collobert et Nunès à l’affût dans leur
    planque. Les deux officiers se glissent dans l’ombre jusqu’à la gare qu’ils
    contournent et dans laquelle ils pénètrent en suivant la voie. À part un bureau
    faiblement éclairé par une lampe fatiguée, tout semble désert.
    Camaret se plaque contre
    le mur à gauche de la porte. Cochin se baisse pour passer et se plaque à droite.
    L’un après l’autre ils risquent une brève série de coups d’œil à travers la
    porte vitrée.
    Devant un bureau
    crasseux et désordonné, un homme est assis ; il avale avec délices de
    lourdes cuillerées de soupe, n’interrompt son festin que pour casser du pain
    dur en petits morceaux dont il épaissit son potage.
    Il ne donne pas l’impression
    d’être le chef de gare, mais plutôt un vague sous-fifre de faction. En tout cas,
    il ne peut représenter le moindre danger. Âgé d’une soixantaine d’années, il a
    le cheveu rare et le ventre rond. Sur un signe de Camaret, les deux
    parachutistes entrent brusquement dans le bureau et referment la porte sur eux.
    « Bon appétit, pépé,
    lance Camaret. Te dérange pas pour nous. On ne fait que passer. »
    Bien que surpris, l’homme
    ne se démonte pas le moins du monde. La bouche pleine, il marmonne, se parlant
    à lui-même :
    « Qu’est-ce que c’est
    encore que ceux-là ?
    — C’est juste pour
    un renseignement, enchaîne Cochin. On voudrait simplement savoir quand il va
    passer un train, soit vers Brest, soit vers Paris. »
    Le vieux fait preuve d’un
    calme surprenant. Il n’est sûrement pas breton. Il parle lentement, posément ;
    son timbre trahit une origine gasconne. Il demande :
    « Dites donc, vous
    seriez pas des gaullistes, par hasard, tous les deux ? »
    Camaret s’impatiente.
    « On peut rien te
    cacher, grand-père. Mais on n’a pas de temps à perdre pour tailler une

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