Qui ose vaincra
les encadrer, les armer.
— Et leur inculquer
en quelques heures ce que nous avons mis des années à apprendre ? »
Mais rien ne peut
altérer la fougue de Marienne. Eugène Maurizur, lieutenant F.F.I., semble lui
avoir miraculeusement transmis sa brûlante ardeur.
« De toute façon, conclut
Marienne, nous devons suivre Maurizur et entrer en rapport avec son chef, le
colonel Morice. En conséquence, nous gagnons le village de Saint-Marcel. »
Maurizur dispose d’une
vieille traction avant ; il connaît les chemins secondaires, les habitudes
des Allemands. À l’aube du 8 juin, les parachutistes s’entassent dans le
véhicule ; ils ont une vingtaine de kilomètres à parcourir et ne
rencontrent personne.
Le minuscule bourg de
Saint-Marcel se situe dans l’angle est d’un triangle isocèle formé par les
villages de Malestroit au nord-est, Serent au nord-ouest et Elven au sud-ouest.
À trois kilomètres à l’ouest de Saint-Marcel, la ferme de la Nouette apparaît
immédiatement aux parachutistes comme un refuge judicieusement choisi. La
superficie de 500 hectares sur laquelle la Résistance se propose d’établir son
camp de base compte tous les éléments nécessaires à la sécurité : possibilité
de camouflage et de nombreux points de combats abrités ; une surface
idéale en vue des parachutages ; un bois touffu, un terrain tourmenté
coupé de nombreux fossés ; des postes d’observation desquels on peut
déceler les mouvements à des kilomètres.
Le choix de Saint-Marcel,
de la ferme de la Nouette, renforce Marienne dans sa conviction : la
Résistance est organisée par des militaires avisés.
Maurice Chenailler, dit
colonel Morice, chef de la Résistance dans le Morbihan, a précédé les
parachutistes de une heure à la ferme de la Nouette. Âgé d’une cinquantaine d’années,
grand, droit, maigre, sec, le colonel Morice donne une très belle image de l’armée
clandestine.
C’est un officier
pondéré, réfléchi et lucide, qui reçoit Marienne, Déplanté et leurs hommes. Marienne
apprend que deux postes émetteurs sont installés, un Eurêka et un S. Phone ;
l’équipe radio de la Résistance est en contact avec Londres.
Marienne et Déplanté
saluent les fermiers Pondard et leurs cinq filles. Puis, pendant que Déplanté
part chercher à l’extérieur un refuge où il pourra installer ses antennes, Marienne
s’enferme en conférence avec le colonel Morice. À l’horizon, des groupes armés
commencent à apparaître ; ils arrivent à l’aide de moyens de locomotion
les plus divers, charrettes, vélos, vieilles guimbardes.
Dans une chambre
accueillante, celle des Pondard, la première réaction du lieutenant Marienne
est de s’étonner du manque de précaution qui entoure le mouvement des
résistants.
« Ça ne fait que
commencer, explique Morice. J’ai lancé un ordre de mobilisation générale aux
bataillons de Ploërmel, de Josselin, de Vannes, d’Auray et de Guehenno. L’affluence
à Saint-Marcel ne va faire que croître dans les jours à venir. Je pense que
nous serons plus de trois mille dans quelques jours. Tout est prévu pour
recevoir, alimenter et instruire cet effectif. Je ne vous cache pas que l’issue
de l’opération dépend en grande partie de votre aide et de votre soutien :
il faut convaincre Londres d’envoyer des renforts, des armes, des munitions.
— La création d’un
camp retranché n’a jamais été envisagée par l’état-major, fait remarquer
Marienne.
— Je sais, tranche
le colonel Morice, mais c’est votre rôle de le faire revenir sur sa décision, de
lui ouvrir les yeux sur la réalité. J’ajoute que vos missions de sabotage
pourront partir chaque jour du camp de Saint-Marcel. Nos hommes qui connaissent
la région vous accompagneront. Les missions accomplies, les groupes pourront
rejoindre le camp où ils se trouveront à l’abri.
— Il est impossible
que ce camp ne soit pas décelé par les Allemands. Qu’adviendrait-il s’ils l’attaquaient ?
— Tout repose sur
la logique, lieutenant. Les Allemands n’attaqueront pas, ils ne peuvent pas se
le permettre. Un coup d’œil vous a suffi pour évaluer la position stratégique
de notre base : il faudrait un corps d’armée pour nous en déloger. Les
Alliés progressent en Normandie, les Allemands ne livreront pas un combat au
cours duquel ils risqueraient de subir des pertes énormes, et ce, pour enlever
une position
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