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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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déclare :
    « J’ai une
    locomotive, une Pacific, une grosse machine, ça peut faire votre affaire.
    — Et tu veux la
    vendre ?
    — En quelque sorte,
    si vous voulez. Mais nettement au-dessous de son cours. Je pense que trois ou
    quatre mille francs suffiraient.
    — Une fois pour
    toutes, explique-toi. »
    Dans un bon sourire, le
    vieux lâche enfin :
    « Cette idée-là, mes
    enfants, vous êtes pas les premiers à l’avoir. Les petits gars du maquis l’ont
    étudiée sous tous ses angles, mais ils sont mal armés, et pour aller dans le tunnel,
    il faut commencer par anéantir les Boches qui le gardent. Si vous vous chargez
    de cette partie du boulot, nous on peut vous lancer la locomotive dans le
    tunnel. Seulement, le chauffeur et le mécano n’ont aucune envie de se suicider.
    Il faudra qu’ils sautent après avoir mis toute la vapeur, et après avoir sauté,
    faudra qu’ils se taillent vite fait. Et pour ça il leur faudra des vélos, parce
    que les Allemands vont pas être longs à se réveiller, et des vélos ils en ont
    pas. Et par les temps qui courent, des vélos, ça coûte du pognon.
    — En somme, réplique
    Camaret, si on te paie deux vélos, on peut envisager de monter l’opération ?
    — Ça peut se faire.
    — Et tes gars, le
    mécano et le chauffeur, tu en es sûr ?
    — Vous inquiétez
    pas pour ça, et d’abord l’un des deux c’est mon fils.
    — Et ta loco, on
    peut la voir ?
    — Pardi ! je
    ne vais pas vous vendre une marchandise sans vous la montrer. Suivez-moi jusqu’au
    dépôt, il n’y a qu’à longer la voie sur cinq cents mètres.
    — Les Allemands ?
    Y a pas de ronde ?
    — En ce moment, c’est
    calme, et puis si je prends le risque, vous pouvez en. faire autant, vous ne
    pensez pas ? »
    La locomotive est énorme.
    Évidemment, il sera plus aisé de dégager une matrice qu’un convoi, mais couchée
    en travers du tunnel, déchiquetée, il est presque certain que la Pacific bloquera la ligne pendant plusieurs jours.
    L’extravagante affaire
    se traite. Cinq mille francs changent de main. Le vieux se charge de tout, affirme
    que la machine haut le pied arrivera dans le tunnel le lendemain à 12 h 30
    précises. Elle roulera à forte vitesse, sur la voie de droite, dans le sens Messac-Brest.
    Aux parachutistes de régler les détails concernant la neutralisation des
    Allemands et le déraillement. Cochin et Camaret rejoignent dans la nuit leurs
    compagnons avec lesquels ils mettent sur pied avec minutie le plan d’attaque qu’ils
    fixent au lendemain 12 heures.
     

19
    9 juin, 11 h 45.
    Les parachutistes s’apprêtent à tenter leur coup de main sur le poste de garde
    du tunnel. Depuis une heure, Nunès et Collobert sont descendus dans le ravin. Par
    un vaste crochet ils doivent contourner le camp allemand, s’approcher à portée
    et attaquer à la grenade, tandis que d’en haut le sergent et les deux
    sous-lieutenants ouvriront le feu au fusil mitrailleur.
    Aucune mauvaise surprise
    ne semble à redouter, et pourtant Camaret est d’une impatience fébrile. Pour la
    dixième fois il vérifie son arme.
    Il va avoir une grosse
    déception.
    Les parachutistes
    aperçoivent en bas un camion qui arrive, cahotant sur le mauvais sentier. Le
    véhicule effectue un délicat demi-tour ; alors les Allemands du camp
    grimpent sur le plateau arrière, ils parlent fort, semblent totalement
    décontractés, rient joyeusement. Cochin, machinalement, les compte jusqu’à neuf.
    Le camion s’éloigne dans
    le chemin, l’opération n’a pas duré une minute. Cochin délaisse son fusil
    mitrailleur et porte ses jumelles à ses yeux. Il ne découvre que le camp désert,
    puis il aperçoit Nunès qui s’avance prudemment.
    Il est sans aucun doute
    couvert par Collobert qui reste dissimulé.
    Nunès erre dans le camp,
    constate toute absence de vie, lève les yeux et, par grands gestes, fait signe
    que la voie est libre.
    Camaret rejoint Cochin.
    « Ça, par exemple, tu
    y comprends quelque chose ? se lamente-t-il. C’est la vacherie.
    — Écoute, Michel, c’est
    inespéré, même si ça t’enlève la joie de faire un carton. Si les Boches
    rappliquent avant qu’on ait disposé les charges, ce sera un jeu d’enfant pour
    Nunès et Collobert de les anéantir au passage à la grenade. Tu n’as qu’à
    descendre leur dire de grimper dans les arbres des deux côtés du sentier. Maintenant,
    grouillons-nous, et arrête de faire cette gueule de gamin frustré.

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