Qui ose vaincra
qui ne les intéresse en rien. »
L’argument convainc
Marienne. Il est évident que si on rejette l’éventualité d’un assaut en force (et
effectivement, quelles forces seraient nécessaires !) la création de la
base géante est souhaitable et va constituer un pas immense vers la libération
de la Bretagne. Marienne cède et, dès lors, il décide de jouer le jeu à l’extrême.
À midi il lance le message suivant, inspiré par Morice « Pierre i, indicatif
101
— Confirme message
adressé par Commandant F.F.I.
— Confirme 10
compagnies faiblement armées sur 25
— Envoyer urgence
tous officiers disponibles, troupes et matériels, en particulier Bren Gun
— Votre présence
ici indispensable. Urgence
— Suis enthousiasmé
par organisation et ses immenses possibilités
— Le Q.G. Résistance
affirme pouvoir aider d’ici Samwest
— Charlotte et
Dudule seront fortement installés et défendus
— Prévenez toutes
les missions que ces rendez-vous se portent bien
— Confirme D. Z. 418233
O. K. 9. Convient également pour planeurs. Vous attendons nuit de D + 3 à D + 4.
Serez guidé par Eurêka.
— Terrain balisé et
défendu
— Lettre de
reconnaissance convenue – 50 camions 3 tonnes 50 voitures tourisme disponibles.
Avons grosses réserves vivres et cheptel sauf farine
— Envoyez d’urgence
essence, matériel sanitaire et uniformes avec, si possible, identité
— Attendons
confirmation de votre arrivée
— Resterons un
moment silencieux
— Signé : Pierre
i. »
Au camp secret de
Fairford, le message de Marienne plonge les chefs dans la consternation. Au
sein des états-majors, on n’aime pas repenser les prévisions, changer les
données des problèmes.
Le commandant Bourgoin
et le capitaine Puech-Samson cherchent à comprendre l’enthousiasme délirant de
Marienne. Le général Mac-Leod les a rejoints ; il vient de transmettre le
message en haut lieu et commente la réponse :
« Les huiles se
lavent les mains de la Bretagne. Jusqu’à nouvel ordre, ils ont les yeux braqués
sur la Normandie. Pour le reste, ils se basent sur un postulat. Les S.A.S. fixent
les 150 000 Allemands qui sont cantonnés en Bretagne ; tant que ces
troupes ne font pas mouvement vers le nord, elles ne les intéressent en rien. La
réponse que j’ai obtenue peut se résumer en une phrase : « Nous n’avons
pas la prétention de vous apprendre votre métier. Vous avez une mission, accomplissez-la
et foutez-nous la paix ! »
— Évidemment, grogne
le Manchot, carte blanche, c’est plus pratique. »
Le destin du régiment se
trouve entre les mains de Marienne. S’il s’est trompé dans ses estimations, adieu
belle jeunesse ! Les Allemands sont 150 000 en Bretagne et parmi eux
des S.S., des parachutistes de la division Kreta – une belle bande de
tendres.
« Marienne est l’un
de nos meilleurs officiers, fait remarquer Puech-Samson. Ce n’est ni un rêveur
ni un poète.
— Je sais, je sais,
mais je me méfie de l’exaltation qui peut découler de la fantastique situation
dans laquelle il se trouve.
— Alors ?
— Alors, on y va de
toute façon. Nous serons mieux sur place pour juger. Lancez les parachutistes
sur Saint-Marcel. Commencez cette nuit, étalez les rotations. Que l’ensemble
des hommes soit sur place dans une semaine. Vous et moi sauterons la nuit
prochaine. »
Le caporal Robert Crœnne,
dit Bébert Fend-la-Bise, vient d’apprendre qu’il est de ceux qui partent ce
soir dans la nuit du 9 au 10 juin. Il a peu de renseignements sur la situation
en France des camarades qui, depuis le 4 juin, l’ont précédé, et il se demande
s’il retrouvera facilement son copain Pams.
La tente qui sert de
foyer est assaillie par les parachutistes en instance d’embarquement ; des
bonbons, des friandises leur sont distribués gratuitement « pour les
enfants de France ».
Amer, Crœnne a assisté
au départ de ses compagnons. Chaque nuit, avec tant d’autres, il se rendait au
pied des avions pour suivre l’embarquement de ceux qu’ils considéraient comme
des privilégiés.
Ce soir c’est leur tour,
son tour.
Ils sont seize à bord, et
Crœnne pense que l’on va fermer la porte de l’avion. Le Stirling semble
complet, lorsqu’une agitation se produit à l’avant de l’appareil : une
voiture bloque ses freins sous l’échelle d’embarquement. Suivi du capitaine
Puech-Samson, le Manchot en descend. Un homme
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