Qui ose vaincra
l’aide à fixer son parachute
spécial.
Peu de temps après, dans
la cabine du Stirling, le Manchot se tient debout derrière le siège du
pilote. Son bras valide s’est tout naturellement posé sur l’épaule de l’officier
anglais.
« Nous approchons, mon
commandant, hurle l’aviateur. Vous devriez vous préparer.
— Combien de temps ?
— Cinq minutes, six
ou sept tout au plus… Tenez, on aperçoit la balise, droit devant. Je continue
ou je vous lâche au retour ? »
Le balisage ! Bourgoin
n’en croit pas ses yeux, et pourtant, une multitude de points lumineux
éclairent la nuit et dessinent parfaitement le périmètre de la drop-zone.
Ils sautent en grappe, Bourgoin
en tête. Son parachute spécial se déploie ; il est tricolore – une
attention des Anglais.
Le Manchot se fait mal à
la cheville en prenant contact avec le sol, mais réalise vite que ce n’est même
pas une foulure. Son parachute l’a fait reconnaître et, des quatre coins du
champ, des hommes courent vers lui, délirants de joie. Des cris de bienvenue, des
hourra ! rugissent dans la nuit. Un essaim vociférant de gaillards exaltés
qui brandissent leurs armes converge vers le commandant qui s’est débarrassé de
son parachute et fait face à l’accueil, abasourdi. Enfin, Bourgoin aperçoit
Marienne qui court à la tête d’un groupe, s’arrête à trois mètres et salue respectueusement.
« Marienne, nom de
Dieu ! Qu’est-ce que c’est que cette kermesse ? »
Marienne s’y attendait, il
s’approche.
« Je sais, mon
commandant, mais ne les décevez pas. Votre présence représente tant de choses
pour eux. Les gars ont parlé de vous, vous devez comprendre.
— Je suis très
sensible à votre service de relations publiques, mais je déplore qu’il vous
fasse oublier les règles élémentaires de sécurité. Cette foire d’empoigne est
certainement perceptible à des kilomètres.
— Les Allemands n’ignorent
pas notre présence, je vous expliquerai. »
Le Manchot radoucit son
ton.
« Je pense en effet
que vous allez avoir beaucoup de choses à m’expliquer. »
En prononçant les mots
de kermesse et de foire d’empoigne, le commandant Bourgoin n’était pas loin de
la vérité. L’inspection qu’il effectue le lendemain matin devait le lui confirmer.
Les partisans F.F.I. sont
maintenant entre quinze cents et deux mille. La plupart sont bien armés ; les
parachutages des nuits précédentes ont permis de leur distribuer fusils mitrailleurs,
mitraillettes, pistolets, grenades et munitions.
Les hommes – dans l’ensemble
de jeunes garçons – cherchent à donner une allure militaire à leurs vêtements
civils. Le résultat est souvent risible. Leur comportement sur le passage de
Bourgoin est émouvant et grotesque ; fantaisistes sont les saluts et maladroits
les garde-à-vous, auxquels s’efforce de répondre le commandant.
Après une enquête de
plusieurs années, Roger Leroux, correspondant du Comité d’histoire de la
deuxième guerre mondiale dans le Morbihan, a établi un exposé d’une extrême
précision sur la bataille de Saint-Marcel. En voici un extrait :
« Le commandement
départemental des F.F.I. dispose d’une compagnie de transport, dirigée par le
capitaine Mounier, de Ploërmel, président du syndicat des transporteurs et
membre de l’état-major. Le docteur Maheo organise le service sanitaire pouf
recevoir et soigner des blessés. Deux infirmeries sont installées, l’une dans
un garage, l’autre dans le grenier de la Nouette, au-dessus de la cuisine de la
famille Pondard. Les bureaux de l’état-major se sont installés un peu partout ;
quelques-uns sont dans les greniers. De nombreuses secrétaires et dactylos
travaillent toute la journée, d’autres jeunes filles travaillent à la
confection de milliers de brassards, de drapeaux et de fanions. Enfin, deux aumôniers
sont à la Nouette depuis le 6 juin.
« À la suite des
télégrammes de Marienne, le commandant Bourgoin décide de se faire parachuter à
Dingson, ainsi que le reste de son bataillon qui sera largué par groupes de dix
hommes. Il arrive dans son bataillon la nuit du 9 au 10, en même temps qu’une
cinquantaine d’hommes et avec une cinquantaine de containers pleins d’armes ;
il est surpris par l’atmosphère de kermesse (l’expression est du colonel
Bourgoin) qui règne à la Nouette ; il y a des lumières de tous les côtés. Des
patriotes vont
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