Qui ose vaincra
vibre dans l’ensemble
de ses structures. Gebhardt fait un signe, les hommes enlèvent les cales, l’aviateur
pousse à fond la manette des gaz. Le petit avion roule lentement sur l’herbe, prend
un essort pénible et finit par quitter le sol avec la gaucherie hésitante d’un
gros cerf-volant.
Gebhardt commence alors
l’interminable carrousel autour du terrain qui lui permet de prendre de l’altitude.
À trois cents mètres, il cherche et trouve son cap ouest-sud-ouest.
Chaque fois qu’il vole, Gebhardt
se sent revivre, il oublie son infirmité, ne conserve aucune nostalgie du passé
si proche où il pilotait un monstre fougueux. Il a chassé de son esprit la
gloire fébrile et excitante des retours victorieux, il s’est pris d’une reconnaissante
tendresse pour l’oiseau lourdaud qui lui permet de continuer à voler.
Le ciel est totalement
dégagé, la visibilité excellente.
Gebhardt vérifie et
corrige légèrement son cap. Il aperçoit droit dans son axe de vol l’étang de la
Belouze : c’est parfait, maintenant il peut se repérer au sol jusqu’à son
objectif.
Saint-Marcel… Hier soir,
le pilote de la Luftwaffe a entendu prononcer le nom de ce hameau pour la
première fois. Il y aurait une forte concentration de terroristes à proximité
du village. Sa mission consiste à vérifier l’authenticité de cette information.
Éventuellement, évaluer la force en question, faire des photos, relever la
périphérie du camp.
Gebhardt n’y croit pas. Il
est possible bien sûr qu’une bande de terroristes se dissimulent dans les bois
et la campagne, mais ils l’entendront arriver et auront tout le temps de se
dissimuler. Pourtant il est décidé à raser la cime des arbres, à faucher l’herbe
pour ne pas rentrer bredouille. Il ne craint en rien les coups de feu qui
pourraient être dirigés contre son appareil. Tirer sur un avion, c’est un
métier ; les terroristes bretons en ignorent l’art et ce n’est pas la
première fois qu’il aurait l’occasion de s’en amuser.
Il surveille machinalement
son tableau de bord, consulte sa montre, il est 8 h 15, plus que
quelques minutes pour parvenir à son objectif.
Il pense d’abord à une
grotesque erreur des services de renseignements. Ces imbéciles ont dû prendre
un rassemblement commercial pour une concentration militaire, il doit s’agir d’une
foire aux cochons ou d’un marché aux légumes.
À l’approche de
Saint-Marcel, l’aviateur est descendu à deux cents mètres. Il aperçoit
nettement des centaines d’hommes qui le regardent passer, le nez en l’air, disséminés
par groupes plus ou moins denses. Il survole le camp en diagonale, va virer sur
l’abbaye de Trébiguen et revient, réduisant le régime du moteur au maximum, perdant
de l’altitude.
Avant même de parvenir
en lisière du camp, il essuie les premiers coups de feu. En rase-mottes, à
vitesse réduite, ça pourrait tout de même mal se terminer ; le lieutenant
donne tous les gaz, tire le manche à lui. Le gros oiseau se cabre, entame une
ascension douloureuse. En bas, Gebhardt distingue les tireurs ; une multitude
de garçons agités s’acharnent sur lui, à coups de fusil, de mitraillette ;
certains tirent même au pistolet, il distingue nettement les bras tendus. Il n’en
croit pas ses yeux. Comment ont-ils osé se rassembler en nombre aussi important
au centre de trois corps d’armée ennemis ? Ils sont fous ! Gebhardt
est furieux. Ce ne sont pas les coups de feu qu’il essuie qui le scandalisent, mais
l’insultante témérité de ces hommes. Il faut qu’ils s’imaginent que l’armée
allemande a un genou à terre pour oser faire preuve d’un tel mépris de sa
présence. Il lui suffit de passer un message radio pour que cette racaille soit
balayée avant la fin de la matinée.
Gebhardt est sur le
point de lancer son message, lorsqu’il se ravise. Il avait oublié un instant le
but de sa mission : il doit faire des photos. Évaluer les positions et, surtout,
découvrir le P.C., afin que l’artillerie puisse y diriger utilement ses coups.
Avec amertume il pense à
son escadrille de Stuka ; il lui faudrait moins d’un quart d’heure
pour anéantir tout ça. Hélas ! les chasseurs sont occupés sur l’autre
front, les bombardiers aussi.
À son troisième passage,
Gebhardt découvre la masse imposante du château de Sainte-Geneviève ; il
estime tout naturellement que l’état-major
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