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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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fantaisiste des terroristes s’y est
    installé. C’est logique, et dans l’armée allemande on fait la guerre avec
    logique. Il décide de descendre frôler les tourelles du château. À l’approche, il
    aperçoit l’homme et le F. M. installés sur le toit. Il a le temps de s’étonner
    en constatant que l’homme ne tire pas. Il sait bien qu’à cette distance et sous
    cet angle ce serait dramatique pour lui, mais il y a quelques minutes, lors de
    son survol du camp, les résistants avaient tous tiré sans aucune chance de l’atteindre.
    « Son arme a dû s’enrayer, il doit tout juste savoir y introduire le
    chargeur », pense-t-il. Il décide de passer plus près. Sur le toit, l’homme
    tire une seule rafale, nette, précise, exactement à l’instant où elle devait
    toucher avec un maximum d’efficacité.
    Gebhardt constate la
    déchirure sur l’aile gauche. Il emballe le moteur une nouvelle fois, il tire le
    manche, il éprouve de la difficulté à grimper, mais il grimpe tout en s’éloignant
    du danger.
    L’aviateur est
    maintenant inquiet. C’est un professionnel qui lui a tiré dessus, un vrai
    soldat ; il a fait preuve d’adresse, mais surtout de sang-froid et d’intelligence
    – autant de choses qu’on n’apprend pas en quelques semaines.
    Machinalement, Gebhardt
    jette un coup d’œil général au tableau de bord. La pression d’huile baisse
    dangereusement ; presque aussitôt un mince filet sombre et visqueux
    apparaît sur la vitre gauche : une balle a sans aucun doute atteint le
    carter d’huile. Il ne réduit pas les gaz, et pourtant il prend de l’altitude de
    plus en plus difficilement. L’appareil atteint trois cent cinquante mètres et
    refuse d’aller plus haut. Le moteur geint, une épaisse fumée grisâtre s’échappe
    du capot ; très vite ce sont les ratés, les hoquets fracassants, les coups
    de tonnerre des gaz accumulés et, brusquement, le silence, le sifflement
    régulier du vent qui frise les haubans. L’oiseau agonisant plane gracieusement,
    maintenu par les commandes qui semblent intactes.
    Gebhardt pourrait se
    poser n’importe où sans difficulté, mais il voudrait d’abord être aperçu des
    siens. Il prolonge le vol au plus long, parvient à survoler Saint-Guyomard et
    va se poser dans un champ. Trop court. Il ne peut éviter un gros tas de pierres
    sur lequel s’écrase le nez du Fieseler Storch. Le moteur est décalé par
    la violence du choc. Un amas de fer déchire l’avant du poste de commandes, broie
    et paralyse les jambes artificielles de l’officier. Sans explosion, le moteur
    prend feu. Gebhardt dégaine le poignard qui ne le quitte jamais, lacère les
    jambes de son pantalon et détache le plus vivement qu’il peut les courroies qui
    fixent ses jambes d’acier. L’air n’est plus qu’une épaisse fumée pestilentielle
    dégagée par l’huile rance qui se consume. Gebhardt est sur le point de
    suffoquer lorsqu’il se jette en avant, roule sur le sol, la tête la première, et
    effectue un roulé boulé de parachutiste. Il s’éloigne, s’aidant des bras, des
    mains et des moignons – insolite mollusque céphalopode, émouvant et grotesque.
    Il parcourt ainsi une
    cinquantaine de mètres avant de se retourner sur le dos, de s’asseoir, les bras
    en support, et de contempler dans une douloureuse mélancolie son appareil qui
    brûle, qui ne sera bientôt plus qu’un squelette calciné. Ses yeux se portent
    sur les lambeaux de son pantalon, sur ses moignons maculés de terre fraîche et,
    brusquement, il éclate d’un rire névrosé, presque hystérique.
    Il n’attend pas plus de
    dix minutes : un side-car de la Wehrmacht parti de Saint-Guyomard le
    repère sans peine, s’avance vers lui à travers champ.
    « Vous êtes blessé,
    mon lieutenant ? lance le conducteur en sautant de sa machine.
    — Mes deux jambes
    broyées, mon vieux ! Elles sont restées dans l’appareil, je les ai coupées…,
    crac ! »
    Il dégaine son poignard
    et fait le geste. Le motocycliste, un instant médusé, s’approche, soulève un
    lambeau de tissu, constate l’absence des jambes et comprend.
    Derrière lui, le second
    occupant du side-car, plus naïf, dévisage l’officier et marmonne : « Ben
    ça, alors… !
    — Eh oui, qu’est-ce
    que tu crois, mon gars ! poursuit Gebhardt, amusé. On a des couilles en
    bronze dans l’aviation ! »
    Le soldat, hébété, reprend :
    « Ben ça alors, quand
    même, ça, par exemple… » Le chauffeur

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