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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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la
    ferme du Bois-Joly ; à quelques centaines de mètres de la ferme, l’imposant
    château de Sainte-Geneviève, occupé par la châtelaine M me Bouvard,
    sa nièce et ses six enfants. Au sud-ouest, un manoir de trente-cinq pièces, le
    château des Hardys-Behelec.
    En cette matinée du 12
    juin, un sergent du stick de Kerillis demande à être reçu. On l’introduit.
    « Mon commandant, déclare-t-il,
    on a trouvé un gosse qui a passé la nuit avec les postes avancés. J’ai pensé
    que ce n’était pas sa place, je me suis permis de vous l’amener.
    — C’est bon, tonne
    le Manchot, tu as bien fait. Il ne manquait plus que ça ! Maintenant nous
    allons jouer les nourrices. Fais-le entrer. »
    Le gamin se présente. Il
    doit avoir une douzaine d’années. Malgré ses vêtements grossiers, son aisance
    saute aux yeux. La délicatesse de ses traits, le respect dont il fait preuve à
    l’égard de ses interlocuteurs, sa facilité d’élocution témoignent de son
    éducation et de son niveau social.
    « Alors, grogne
    Bourgoin. Qui es-tu ? Et que fous-tu ici ? Tu crois que c’est de ton
    âge de courir la nuit au milieu des soldats ?
    — Je m’appelle
    Guy-Michel Bouvard, je suis le fils de M me Bouvard du château
    de Sainte-Geneviève. Je cherche à me rendre utile, à vous aider, mon commandant. »
    « En plus, il
    connaît les grades, pense le Manchot. Il radoucit son ton : « Écoute,
    Guy-Michel, ce qui se passe ici n’est pas un jeu, c’est une affaire d’hommes. La
    meilleure façon que tu as de nous être utile est de rejoindre ta mère qui doit
    être morte d’inquiétude.
    — Mon commandant, réplique
    le gamin, nullement impressionné, je connais les bois, les chemins, les champs
    mieux que n’importe lequel de vos hommes et je cours plus vite. Je suis sûr de pouvoir
    vous être utile. Je vous en prie, croyez-moi.
    — Quel âge as-tu ?
    — Treize ans.
    — Marienne, allez
    le raccompagner au château. »
    Marienne sourit ; chez
    lui c’est rarissime.
    « Allez, mon
    bonhomme, dit-il en poussant l’enfant par le cou. En voiture. On rentre au camp
    de base. »
    Guy-Michel devient
    boudeur. Ses propos abandonnent la syntaxe.
    « Oh ! là !
    là, braille-t-il. En plus, je vais me faire engueuler ! Vous êtes pas
    chics, sans compter que vous allez le regretter !
    — Ça, c’est sûr, on
    va être obligés de faire la guerre sans toi, ça va pas être du sirop », plaisante
    Marienne.
    L’homme et l’enfant
    traversent le grand champ de blé qui s’étend entre la Nouette et le parc du
    château. Malgré les larges enjambées du lieutenant, Guy-Michel suit aisément ;
    il continue à maugréer :
    « L’histoire de
    France est pleine de gars de mon âge qui ont fait la guerre ! Je parie que
    je tire aussi bien que vous. Vous voulez qu’on essaie ?
    — On essaie rien. On
    rentre, un point c’est tout.
    — Je m’en fous, je
    reviendrai. D’abord au château je m’emmerde. »
    Marienne s’arrête :
    « Écoute, sale môme,
    maintenant ça suffit ou je demande à ta mère de t’enfermer. C’est compris ?
    — Ça sera pas la
    première fois, ça sera pas non plus la dernière que je descendrai par la
    gouttière !
    — C’est drôle. À
    première vue je te prenais pour un garçon bien élevé.
    — Oh ! ça va. Je
    veux être soldat, c’est pas un crime.
    — Soldat, tu t’es
    pas regardé ! C’est tout juste si on te prendrait aux louveteaux, il
    faudrait que je désigne quelqu’un pour changer tes langes.
    — Le premier arrivé ! »
    crie brusquement le gamin qui s’élance, détalant comme un lièvre.
    Marienne sourit, court
    derrière lui, mais le gosse est plus léger et plus agile sur le terrain lourd. Le
    lieutenant ne le rejoint que dans l’allée du parc ; il est haletant. Guy-Michel
    est aussi frais qu’avant la course, il rit joyeusement.
    « Si vous êtes
    fatigué on peut faire une halte, mon lieutenant. Je le dirai à personne, c’est
    normal, les vieux ça s’essouffle vite. »
    Marienne réprime son
    envie de rire, il se dirige vers le château sans commentaire.
    M me Bouvard
    le reçoit dans la bibliothèque. La pièce est immense, austère. La châtelaine
    semble faire partie du cadre, elle se tient droite, la douceur mélodieuse de sa
    voix tranche avec la sévérité de son personnage.
    « Je vous remercie,
    lieutenant, je n’étais pas vraiment inquiète, je savais bien où il était. Et
    que puis-je y faire ? L’attacher ? Il n’y a pas si

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