Qui ose vaincra
s’étend sur tout le front : « En avant ! » La nuit
va venir bientôt et il faut à tout prix dégager tout cela pour pouvoir
décrocher à minuit. Nous savons que des renforts d’artillerie et d’infanterie
allemandes se dirigent sur Saint-Marcel.
« On se rue sur les
Boches qui fuient de toutes parts. Des fossés sont pleins de cadavres, de
fusils abandonnés, de casques perdus dans la hâte et la fuite.
« L’ennemi est
débordé sous l’action puissante des Marienne, des Taylor, des La Grandière et
de Camaret, des Lesecq, des Tisné et des Brès, de tous nos vieux parachutistes
aguerris et des maquisards éprouvés qui n’ont jamais accepté l’envahisseur.
« À la tombée de la
nuit, nous sommes en bordure de Saint-Marcel. Nous avons gagné trois kilomètres
d’un seul élan. Il n’est pas question pour nous de tenir le village, cela ne
servirait à rien. Nous nous replions sur nos postes tenus le matin. Nous nous y
installons et attendons l’heure du décrochage.
« De temps en temps,
quelques égarés tirent ; aussitôt une réponse claque dans la nuit. C’est
maintenant le silence, plus inquiétant que le fracas des combats. On se
retourne pour voir son voisin, couché à deux mètres de là. Le moindre bruit
paraît suspect. On tend l’oreille, on se lève tout doucement au-dessus du talus,
on jette un regard circulaire dans la nuit, puis on se rabaisse doucement et l’on
attend de nouveau jusqu’à l’heure convenue. Incertaine, la bagarre se ranime
plus loin.
« Enfin, voici l’heure
de se replier sur Callac par une nuit d’encre et sous une pluie battante, salutaire,
j’en suis sûr, pour plusieurs des nôtres. Un par un, les groupes s’éclipsent. Comme
un bloc de gelée, le camp semble se liquéfier, perdre peu à peu sa structure, et
la base n’est bientôt plus qu’un coin dévasté. Tout ce qui a pu être emmené par
voiture est parti. Seuls restent deux camions, quatre tonnes pleines de
munitions et d’explosifs qui ne peuvent être évacués. Le capitaine Puech-Samson,
qui refuse depuis l’après-midi d’être évacué, reste seul avec quelques
parachutistes. Malgré sa blessure, il fait un tour aux anciens emplacements des
postes de surveillance et s’assure du décrochage. Puis il met le feu à la
charge qui doit faire sauter les camions. Cinq secondes plus tard, on entend
une détonation formidable et le ciel est illuminé d’une grande lueur rouge, visible
à plusieurs kilomètres. »
La bataille de
Saint-Marcel est terminée, la mission des S.A.S. continue. Plus que jamais, il
est nécessaire d’empêcher les Allemands de dégarnir la Bretagne.
CINQUIÈME PARTIE
QUAND MEURENT LES ARCHANGES
28
Toute la nuit, les
parachutistes dispersés marchent malgré leur épuisement. La plupart d’entre eux
se dirigent vers les bois de Callac. Tous savent que l’heure des grands
rassemblements est passée, qu’ils vont se trouver devant la forme de combat
pour laquelle on les a entraînés, mais ils réalisent par contre que l’ennemi
est maintenant conscient de leur présence, qu’ils vont devenir des bêtes
traquées.
À l’aube du 19 juin, le
commandant Bourgoin, harassé, hébété, s’est assis sur une pierre. Les yeux
vides, il regarde sans sembler les voir les éléments épars de son unité. Les
officiers évitent de lui demander des ordres, ils savent que leur chef n’en a
aucun à leur transmettre.
Et pourtant, malgré l’état
d’épuisement des hommes, malgré la haine frénétique des Allemands décidés à en
finir, leur honte rageuse devant les pertes infligées par un ennemi tellement inférieur
en nombre et en organisation, les parachutistes vont se réorganiser en moins de
quarante-huit heures. Tapis dans les bois et les forêts, par groupes de trois, quatre,
cinq, six au maximum, ils brûlent du désir de repasser à l’offensive : le
21 juin, une équipe placée sous le commandement du lieutenant Alain de Kérillis
reprend les actions de sabotage.
La fureur des Allemands
atteint son paroxysme. Bourgoin et Marienne, dont ils connaissent les noms, deviennent
des hommes à abattre. Leurs têtes sont mises à prix, et dans tout le
département commence une puérile et grotesque course au « colonel manchot ».
Le 22 juin, l’étau se
resserre autour de Bourgoin. Les Allemands ont appris que son P.C. se trouve
dans les environs de Serent. À l’aide de forces considérables,
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