Qui ose vaincra
tête à casser le rythme traînard et régulier de sa
voiture.
Huit kilomètres. La
Chapelle-Caro. Les véhicules empruntent la bretelle qui va leur permettre de
rejoindre la nationale 164 en direction de Malestroit.
De là, leurs ordres du
jour sont de s’engager sur la nationale 776 pendant six kilomètres ; puis
de prendre sur la droite, vers Saint-Guyomard, la départementale 112 où ils
rejoindront leur route de départ qui doit les conduire à Elven.
Passé Malestroit, ils ne
connaissent plus la route, et le brouillard s’est épaissi. Les vieilles
tractions avant gémissent en première, mettent près d’une demi-heure pour
parcourir trois kilomètres. Il est 4 h 5. Les fentes timides des
codes commencent à se confondre avec la lueur blême qui annonce l’approche du
jour.
Sur la droite, les
Feldgendarme aperçoivent une route secondaire. Ils n’hésitent pas, s’y engagent,
persuadés qu’ils sont sur leur itinéraire. Une légère brise s’est levée ; en
quelques minutes elle dissipe la brume. Les formes se précisent, la lugubre
lande bretonne apparaît, larmoyante sous la rosée de l’aube.
4 h 20. Les
deux tractions arrivent au bourg de Saint-Marcel. Instantanément les
Feldgendarme s’aperçoivent de leur erreur. Ils s’arrêtent, déploient une carte
sur le capot du premier véhicule, situent leur position, réalisent qu’ils se
sont engagés à droite sur une départementale pratiquement parallèle à celle qu’ils
devaient emprunter. Elle rejoint également la 166. Ils décident de ne pas
rebrousser chemin et de continuer en direction de l’Abbaye.
C’est la route qui
traverse en plein cœur le camp géant des parachutistes et des F.F.I.
Dans cette nuit du 17 au
18 juin, le lieutenant Pierre Marienne a souffert d’insomnie. Le message du
général Mac-Leod reçu la veille au soir par Bourgoin l’a profondément troublé. Il
ne peut se leurrer. Son honnêteté ne lui permet pas de minimiser le rôle
essentiel qu’il a joué dans le rassemblement de Saint-Marcel. Il sait que
demain, se conformant aux consignes de Londres, Bourgoin décidera de la
dispersion des 150 parachutistes et des 3 000 patriotes auxquels il
ordonnera d’éclater par groupe de trois ou quatre hommes. Ces groupes vont
devenir pour les Allemands un véritable gibier. Marienne sait que sur les
patriotes, les neuf dixièmes n’ont aucune expérience militaire et qu’ils vont
constituer une proie fragile.
À 4 heures du matin, Marienne
se lève. Il lace ses chaussures et va se raser à la pompe devant la ferme. Le
caporal Pams le rejoint. Il porte sur le dos son bazooka anglais, le P.I.A.T. dont
il se sert avec une habileté d’expert.
« Tombé du lit, mon
lieutenant ? »
Marienne répond d’un
vague grognement. Pams connaît l’officier, juge plus prudent de poursuivre son
chemin sans insister.
« C’est toi qui
fais l’inspection des avant-postes ? lance Marienne en enfilant sa veste
camouflée.
— C’est vous-même
qui m’avez désigné hier soir, mon lieutenant.
— Je t’accompagne. »
Les deux hommes marchent
dans les sentiers boueux d’un pas égal et régulier.
« Avec les quatre
jeeps parachutées avant-hier, on fait les patrouilles à pied, c’est pas logique,
mon lieutenant.
— Footing matinal. On
pense à votre santé, c’est tout. »
Les deux parachutistes
échangent quelques mots avec les groupes F.F.I. des avant-gardes. Tout paraît
normal. Tout semble en ordre. Ils arrivent enfin au poste le plus avancé. Quatre
patriotes servent un fusil mitrailleur de chaque côté de la route qui vient de
Saint-Marcel. (Le barrage se trouve en avant du chemin qui mène au château des
Hardys-Behelec.) À cette position non plus, rien à signaler. Marienne et Pams s’éloignent.
Maintenant ils marchent sur la route. Il est 4 h 30 exactement
lorsque le bruit des moteurs qui s’approchent les surprend. Ils se retournent, intrigués.
Machinalement Pams dispose son bazooka sur la saignée de son bras, prêt à
intervenir. Marienne sort son Colt et, d’un même bond, les parachutistes
sautent dans un fossé à l’abri. Ils aperçoivent la première traction qui passe
le barrage sans encombre, puis la seconde. Alors seulement un patriote bondit
hors de son refuge, hurlant d’une voix hystérique :
« Ce sont des
Boches, nom de Dieu ! Arrêtez-les ! Ce sont des Boches !
— Le con ! braille
Pams. Il peut pas tirer au lieu
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