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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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planta devant sa maîtresse. La cour n’était pas balayée, pas plus que la maison d’ailleurs, ou le cabinet du maître, et quand pensait-elle qu’il pourrait faire son propre travail ? Judith réprima l’envie de congédier tout le monde, peut-être à l’exception du garçon de cuisine qui avait déjà dû supporter la fureur de la cuisinière, et résolut de mettre de l’ordre dans ce chaos. Elle apaisa Ibrahim en lui promettant de finir elle-même les courses, demanda à sa fille, Raquel, d’aller faire les lits, puis attrapa une Miriam boudeuse par la main et quitta la maison.
    — Quoi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle à sa fille cadette.
    — Pourquoi je ne peux pas aller à l’école avec Nathan, maman ? Papa dit que les filles devraient aller à l’école comme les garçons. Et puis, moi aussi, j’ai sept ans. Il n’y a rien à faire, et personne avec qui jouer, et tout le monde est méchant avec moi.
    — Tu ne peux pas, un point c’est tout, rétorqua Judith. Je ne veux pas parler de ça. Si tu arrêtais de te plaindre et te rendais utile, personne ne serait méchant, comme tu dis. Maintenant, hâte-toi.
    L’air revêche, elle la traîna dans la rue principale du quartier juif et franchit avec elle la porte située au nord. Elles se retrouvèrent au pied de la colline menant à la cathédrale, et Judith s’arrêta à l’ombre pour tenter vainement de se rafraîchir.
    — Où on va, maman ?
    — Tu le sauras quand on sera arrivées.
    Un faible vent d’ouest passa au-dessus des hautes murailles de la ville, apportant à la mère et à sa fille des odeurs de levure, de pain chaud et d’épices. Judith rajusta son voile et, agrippant Miriam d’une main ferme, emprunta la rue menant à la boulangerie. Elles passèrent devant les paniers de pain posés près de la porte et se dirigèrent vers une femme rougeaude qui, derrière son plan de travail, contemplait un gros monticule de pâte fraîche. Une robuste fillette de dix ou onze ans transférait les miches du four vers les étagères de bois installées au fond de l’échoppe.
    — Bonjour, maîtresse Judith, dit la femme du boulanger, l’air surpris.
    — Bonjour à vous, maîtresse Esther, fit Judith en cherchant autour d’elle la miche ronde que Naomi semblait trouver indispensable au dîner de ce jour.
    — Une bien belle journée. Que puis-je vous offrir qu’Ibrahim ne soit pas venu chercher ce matin ? demanda Esther avec diplomatie pour rappeler à la femme du médecin qu’elle avait déjà tout le pain nécessaire, au cas où un trou de mémoire l’aurait conduite vers sa boutique. Un pain d’épice pour une petite fille affamée ?
    Mais Miriam avait déjà disparu au fond de l’échoppe, fascinée par le spectacle de la jeune Sara qui empilait les miches refroidies dans des paniers destinés à être placés près de la devanture.
    — Ibrahim ! fit Judith d’une voix lourde de ressentiment.
    Elle se lança dans le triste récit de sa matinée : le mauvais caractère de la cuisinière, l’étourderie de son mari, l’esprit rebelle et maussade de tout un chacun dans la maison, domestiques et enfants compris.
    — Vous vous rendez compte, me voilà qui vais moi-même au marché alors que j’ai une horde de serviteurs qui me coûtent les yeux de la tête et en ont encore moins à faire qu’on ne pourrait le croire. Je ne sais pas ce qu’ils ont tous. Avant, les gens étaient heureux de travailler dur et de mener une vie honnête, mais maintenant… Et comment expliquer que vous et Sara soyez là à cuire tout autant qu’à vous occuper de la boutique ? Où sont-ils tous passés ?
    — Mossé est parti au moulin, expliqua la femme du boulanger avec un haussement d’épaules. Quant à Aaron… vous savez comment il est depuis quelque temps. Le nouvel apprenti est à nouveau malade et il est rentré pour que sa mère s’occupe de lui. Ce gros garçon doit être encore en train de dormir. Pour ce qu’il nous est utile… La servante est partie se marier et la nouvelle sème le désordre dans la cuisine à l’heure qu’il est.
    Tout en parlant, elle saupoudrait de farine la pâte qu’elle façonnait et lissait d’une main experte.
    Judith avait déjà entendu ce genre de litanie, mais il était clair qu’elle avait manqué quelque détail d’importance relatif à l’état d’esprit ou à la santé du deuxième fils du boulanger. Oubliant un instant ses propres tourments

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