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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Pourquoi le devraient-ils d’ailleurs ?
     
    Deux minutes plus tard, il atteignit l’ Albergo della Fava . Comme il avait déjà réglé la note, il ne lui restait plus qu’à prendre ses bagages à la réception et à attendre le gondolier qui devait l’emmener à la gare.
    Une fois qu’il eut chargé sa valise dans l’embarcation, le valet de l’hôtel prit congé de lui avec un clin d’œil complice, d’homme à homme en quelque sorte, comme s’il avait mené ici une vie de bâton de chaise.
    À vrai dire, il s’était attendu à ce que, arrivés au bout du rio Fontego, ils s’engagent sur le Grand Canal où il aurait pu admirer une dernière fois le pont du Rialto. Mais le gondolier semblait connaître un autre itinéraire pour la gare, peut-être un raccourci. Ils passaient d’un petit canal à un autre, s’écartant de temps en temps pour croiser une gondole ou une barque à fond plat, doublant des pontons à moitié cachés par un rideau de pluie, et il appréciait le glissement sans heurt à la surface de l’eau.
    Mon Dieu ! Quelle aventure ! Et avec quelle bravoure il l’avait affrontée ! Il se réjouit de constater que les abominables événements des derniers jours commençaient déjà à pâlir, à se transformer en une incroyable anecdote, de celles qu’on raconte à ses amis tard dans la nuit.
    Il ferma les yeux et écouta les gouttes de pluie marteler le toit du felze . Alors, le garçon du Regina e Gran Canal lui revint à l’esprit. Il ne put s’empêcher de penser à la courte caresse de leurs mains. Et au regard prolongé que le jeune homme lui avait adressé ensuite. Pourquoi m’as-tu donné ces regards si profonds 1  ? Hélas, ils étaient passés, envolés ! Il poussa un profond soupir et se redressa sur la banquette. Tout à coup, il éprouva le désir fou d’être retenu à Venise par quelque événement. Une guerre soudaine, une mise en quarantaine inattendue, l’incendie de la gare.
    Quand la proue effleura les marches menant sur le quai, tout lui parut cependant normal. Seul le bâtiment l’étonna quelque peu, il ne l’aurait pas reconnu. Il n’y avait pas beaucoup de monde sur la place, et un policier en uniforme montait la garde près de l’entrée, plus petite que dans son souvenir. Bizarre, se dit-il, à son arrivée à Venise, il n’avait pas remarqué à quel point les uniformes des porteurs ressemblaient à ceux de la garde civile.
    Deux d’entre eux, encadrant un civil, accoururent vers sa gondole avec zèle. Un troisième porteur talonnait le civil et, le bras tendu en avant, le protégeait à l’aide d’un parapluie. Ils s’arrêtèrent en haut des marches et baissèrent les yeux vers lui. Le civil, qui dirigeait le groupe, portait une redingote et l’habituel haut-de-forme noir. Il l’observa en haussant les sourcils et dit dans le plus pur toscan, sans doute parce qu’il se doutait qu’il avait affaire à un étranger :
    — Je suis le commissaire Tron. Nous avons quelques questions à vous poser.
    1 - « Pourquoi nous as-tu donné ces regards profonds ? » Titre d’un célèbre poème de Goethe à Charlotte von Stein datant de 1776. ( N.d.T. )

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    — Félicitations ! s’exclama la princesse quand Tron eut terminé son récit.
    Sept heures exactement s’étaient écoulées depuis l’interpellation. Bossi et lui avaient interrogé l’homme répondant au nom sympathique de Zuckerkandl pendant tout l’après-midi. Lorsque celui-ci avait enfin reconnu avoir pris le train de Vérone à Venise le dimanche soir une semaine plus tôt, tout avait paru réglé. Néanmoins, Tron n’était revenu au palais Balbi-Valier qu’à neuf heures et demie, c’est-à-dire en somme juste à temps pour le dessert, un parfait à la banane *.
    En vérité, il aurait préféré recevoir les compliments de Maria en tête à tête. Hélas, il avait en face de lui, à l’autre extrémité de la table, Julien, son neveu au sourire mielleux. Ce n’était pas tout à fait le bel homme rayonnant de la photographie, mais le chic parisien si vanté par la princesse était indéniable. Il avait les cheveux pommadés, et une orchidée ornait le revers de son habit de soirée impeccable sur lequel la maîtresse de maison jetait de temps à autre un regard admiratif, de même que le jeune homme jetait de temps à autre un coup d’œil admiratif sur le décolleté de sa tante. Un caractère moins trempé que lui, songea Tron, aurait été capable d’une

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