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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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l’église en dernier. Comme il pleuvait, le prêtre ne s’engagea pas aussitôt sur le campo San Giacomo, il ouvrit d’abord un grand parapluie noir. Le commissaire l’observa. Lorsque le parapluie fut ouvert, leurs regards se croisèrent. Le père se figea tandis que ses sourcils se haussaient en une mimique interrogative. Tron s’inclina brièvement.
    — Père Francesco ?
    L’homme referma son parapluie et fit un pas dans sa direction.
    — Oui, mon fils ?
    Le commissaire trouva cocasse qu’il l’appelât mon fils . D’un autre côté, cette apostrophe correspondait bien à sa mine sévère.
    — Je m’appelle Tron, dit-il. Commissaire Tron.
    Impossible de dire si le prêtre était surpris de se voir abordé par un représentant des forces de l’ordre.
    — Que puis-je pour vous, commissaire ?
    — J’enquête sur la série de meurtres commis depuis près de deux semaines. Je suppose que vous êtes au courant.
    — Hélas oui, répondit-il en secouant le chef d’un air horrifié. Cet homme doit être un véritable monstre !
    Il avait un léger accent français. En même temps, son italien aurait presque pu passer pour un dialecte milanais. Le père Francesco était de taille moyenne, il avait les traits bien modelés et d’épais cheveux foncés. Le seul détail marquant de sa physionomie, songea Tron, étaient ses grands yeux marron qui rappelaient ceux d’un enfant. Ils exprimaient à la fois la sévérité et la naïveté.
    — Si je vous comprends bien, dit-il quand Tron lui eut exposé les événements de la nuit précédente, l’homme masqué que vous tenez pour l’assassin aurait abordé votre adjoint sans équivoque ?
    — C’est exact.
    — Et il se serait réfugié dans le jardin du palais Cavalli pour lui échapper ?
    — En effet, mon père, c’est ce qu’on dirait.
    — J’ai du mal à vous suivre, commissaire. La Gazzetta di Venezia prétendait, me semble-t-il, que cet homme commettait ses actes indicibles sur des femmes.
    Tron acquiesça.
    — C’est pourquoi hier soir mon adjoint n’était pas en uniforme.
    — Il était en civil ?
    — Il portait une robe, précisa le commissaire. Nous l’avions chargé de jouer l’appât.
    Le prêtre garda le silence. Comme il avait détourné son visage, Tron ne voyait pas son visage. Au bout d’un moment, le père Francesco demanda :
    — Et qu’ai-je à voir avec tout cela ?
    — Peut-être avez-vous remarqué quelque chose.
    — À quelle heure ces événements ont-ils eu lieu ?
    — Vers dix heures.
    — Ma chambre donne sur le rio dell’Orso, expliqua-t-il d’une voix lente. Je n’ai donc pas vue sur le jardin.
    Tron résolut de se montrer plus explicite.
    — Savez-vous si le comte de Chambord se trouvait au palais à ce moment-là ?
    — Pourquoi me posez-vous cette question ?
    — Je me suis entretenu avec M. Sorelli. C’est sur ses conseils que je suis venu vous trouver.
    Les grands yeux marron du prêtre observèrent soudain Tron avec méfiance.
    — De quoi voulez-vous me parler au juste ?
    — Du comte de Chambord, répondit le commissaire. M. Sorelli a laissé entendre que vous vous faisiez du souci à son sujet.
    Le confesseur poussa un profond soupir.
    — Le comte, dit-il avec tristesse, sort à peu près une nuit sur deux et ne rentre que très tard. Le jour où Sa Majesté devra s’avancer vers le trône du Tout-Puissant, poursuivit-il d’une voix mielleuse, je crains que…
    — Passe-t-il par la petite porte quand il sort le soir ? l’interrompit le commissaire sans ménagement.
    Aux mots petite porte , le prêtre parut tressaillir.
    — Nous parlons de l’homme qui sera peut-être un jour roi de France ! déclara-t-il sur un ton théâtral.
    — Je suis chargé d’élucider une série de meurtres, mon père, répliqua Tron, obligé d’admettre que son interlocuteur ne lui était pas particulièrement sympathique. La politique ne m’intéresse pas.
    Le père Francesco toussota, mal à l’aise.
    — Et que se passera-t-il s’il apparaît que le comte est bel et bien impliqué dans cette affaire ?
    Tron n’eut pas à réfléchir longtemps.
    — Dans ce cas, le gouvernement dissimulera les faits et tiendra ainsi le comte de Chambord à sa merci.
    Il fixa son interlocuteur avec insistance.
    — Où était-il hier soir vers dix heures ?
    L’expression sur le visage du prêtre se modifia tout à coup. Le commissaire eut l’impression non pas qu’il

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