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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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appât, nous n’aurions jamais songé au comte. Est-ce Bossi qui prend en charge la surveillance du palais Cavalli ?
    — L’inspecteur est mon meilleur homme, répondit Tron.
    — Il ne faut surtout pas qu’il précipite les choses, décréta le commandant. Nous ne pouvons pas nous permettre la plus légère erreur. Peut-être devriez-vous avoir une conversation avec Sa Majesté avant de céder l’affaire.
    — Je préfère attendre pour cela que nos soupçons se confirment, dit le commissaire.
    Il s’apprêtait à se lever quand son supérieur l’arrêta d’un geste de la main.
    — Ah oui, une chose encore, commissaire.
    Tron se laissa retomber sur sa chaise. Cette fois, Spaur avala deux pralines d’un coup, il fallut quelques secondes avant qu’il pût de nouveau parler.
    — Hier, le commandant de place a nommé Stumm von Bordwehr procureur général de l’armée.
    Le commissaire plissa le front.
    — Vous voulez dire que l’affaire relèverait désormais de lui ?
    Le baron hocha la tête.
    — Si nous lui fournissons les éléments nécessaires, c’est lui en effet qui procédera à l’arrestation.
    — Nous ne pourrons pas lui fournir de preuves.
    — J’ai dit éléments , commissaire, pas preuves . Nous rédigeons un rapport et laissons le colonel tirer ses conclusions par lui-même.
    — Vous voulez dire que, si jamais nous faisons fausse route, l’opprobre retombera sur lui ?
    Spaur jeta un regard au portrait de la baronne.
    — C’est tout à fait ce que je veux dire.
    1 - Nom de la place à Vienne où se situaient la chancellerie et, jusqu’en 1918, le ministère des Affaires étrangères. ( N.d.T. )

42
    Avant que les laquais servent le dessert, il avait envisagé de quitter la table sans attendre la fin du repas. Mais vu qu’il l’avait déjà fait la veille, en prétextant un mal de ventre, il craignait qu’à recommencer on ne lui pose d’inévitables questions, même si, au fond, personne ne s’intéressait vraiment à sa santé. Comme d’habitude, la conversation pendant le dîner s’était révélée très ennuyeuse. On avait évoqué les dernières nouvelles de Maximilien au Mexique (de plus en plus alarmantes), effleuré brièvement la situation en France (stable), puis, comme tous les soirs, on s’était embourbé dans un échange de banalités. Une fois de plus, il avait senti la vapeur monter en lui comme dans une chaudière sur le point d’exploser. Rien d’étonnant, pensa-t-il, qu’il éprouve de plus en plus souvent le besoin de se soulager après cette torture quotidienne. La veille, il n’avait pas réussi à tenir jusqu’au bout, ce qui – rétrospectivement – avait constitué une erreur lourde de conséquence. Mais cela, il ne pouvait pas le savoir d’avance.
    Quand on servit enfin le dessert, un parfait aux fraises à la chantilly, il préféra par précaution garder les yeux baissés sur sa cuillère pour ne pas avoir à supporter les visages en face de lui. Pourtant, le parfait aux fraises n’offrait pas non plus un aspect très agréable ; quoi qu’il y fasse, les fruits écrasés lui rappelaient des entrailles sanglantes. Il n’avait jamais compris comment certaines personnes pouvaient associer cette masse rouge et gluante à l’idée de fraîcheur estivale. Il se contenta donc d’enfoncer de temps à autre sa cuillère dans la purée sanguinolente et de la porter à ses lèvres rien que pour la forme, en s’efforçant de ne pas fixer sans cesse la pendule posée sur la cheminée.
    Il était près de huit heures quand il ferma derrière lui la porte de sa chambre. Il alluma la lampe à pétrole sur la table de chevet et tourna la clé dans la serrure. Il était peu probable qu’on vînt encore le déranger à cette heure, mais il ne voulait courir aucun risque. Ensuite, il s’approcha de l’étagère et ôta une demi-douzaine de livres sur la planche du haut pour accéder à une cassette en bois dissimulée derrière les ouvrages. Il souleva le couvercle, sortit un livre caché par deux loups, un rouge et un noir, et s’assit à son secrétaire. Après avoir vérifié une nouvelle fois qu’il n’entendait aucun bruit dans le couloir, il ouvrit le volume pour en lire les vingt dernières pages. Il s’agissait d’un roman qui aurait jeté une lumière douteuse sur sa moralité si on l’avait aperçu entre ses mains. Compte tenu de sa position, il ne pouvait pas se permettre la moindre ambiguïté.
    Cependant, cette

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