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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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risque de perdre la trace de l’assassin et de sa victime ? Non, évidemment. Il en découlait, réfléchit-il encore, qu’il devait intervenir avant qu’ils quittent le vestibule, à supposer bien sûr que le comte trouve ici chaussure à son pied. Car les blondes aux yeux verts n’étaient pas légion à Venise.
    Bossi, toujours séparé du suspect par le groupe d’ouvriers bruyants, sentit soudain une main se poser sur son épaule. Quand il se retourna, son regard croisa celui d’une demoiselle souriante. Il faillit ne pas croire ce qu’il voyait. Elle était blonde, avait à peine vingt ans et des prunelles d’un vert si clair qu’on en distinguait la couleur malgré la pénombre. Elle le regarda avec une expression un tantinet ironique. Sans doute, se dit le jeune inspecteur, parce que, à sa mine consternée, elle l’avait pris pour un provincial candide, saisi d’effroi au moment où les choses devenaient sérieuses. Il s’inclina légèrement, d’un geste toujours un peu raide, ce sur quoi la demoiselle, dont il était pourtant sûr qu’il ne s’agissait pas d’un travesti, renouvela son sourire et dit avec un battement de cils :
    — Bonsoir, chéri.
    1 - Le brouillard de Venise. ( N.d.T. )

43
    Tron reposa sa fourchette à gâteau sur le bord de son assiette, se rinça la bouche à l’aide d’une gorgée de café et fixa son subalterne.
    — Et alors ? demanda-t-il.
    Ils s’étaient donné rendez-vous dans le salon mauresque du Florian à neuf heures, un horaire assez matinal pour le commissaire. Et bien qu’en général il suffît à l’inspecteur Bossi d’enfiler son magnifique uniforme bleu foncé pour être de bonne humeur, il produisait ce matin-là une impression de fatigue et de dépit. Il poussa un soupir si profond que les trois Anglaises à la table voisine tournèrent la tête et jetèrent un regard de commisération vers le jeune officier de police au physique avantageux.
    — Le comte de Chambord avait tout à coup disparu. Or, pour sortir, il fallait forcément qu’il passe près de moi. Il ne peut pas s’être envolé !
    — Combien de temps avez-vous discuté avec cette demoiselle ?
    — Cinq à six minutes peut-être. Elle s’est tout de suite déclarée prête à servir d’appât au comte. Je lui avais assuré qu’elle ne courait aucun risque puisqu’il ne l’aurait attaquée qu’une fois dans la chambre. Et elle m’avait dit dans quel hôtel elle pensait l’emmener.
    — Un hôtel proche ?
    — L’ albergo Rossini dans la calle Casselleria.
    — Donc à quelques pas de là.
    — J’aurais interpellé le comte dès que la jeune femme et lui auraient fermé la porte derrière eux.
    — Pensez-vous que Chambord a pu trouver une victime et emprunter une autre issue pendant que vous discutiez avec votre complice ?
    Bossi fit une moue sceptique.
    — Ce n’est pas exclu, mais cela me paraît fort improbable. Le genre de femme qu’il cherche est rare. Cela étant, comme je vous l’ai dit, une bande d’ivrognes me barrait la vue.
    — Peut-être a-t-il remarqué qu’on le suivait ?
    — J’en doute ! s’exclama le jeune homme en secouant la tête. Surtout qu’il n’aurait pas allumé une lanterne s’il avait envisagé cette possibilité.
    — Donc, sa disparition demeure un mystère.
    — Exact.
    — Et vous êtes sûr d’avoir suivi le comte de Chambord ?
    — Je suis sûr, dit Bossi, d’avoir suivi l’homme qui m’a échappé avant-hier.
    — À cause de son menton banal et de sa bouche ordinaire ? demanda le commissaire.
    Son adjoint préféra ignorer l’ironie de ses paroles.
    — Il mesurait aussi la même taille.
    — L’avez-vous entendu parler ?
    — Non.
    Tron sourit.
    — En théorie, vous pourriez donc avoir rencontré le comte de Chambord avant-hier soir et une autre personne le lendemain.
    Bossi versa un nuage de lait dans sa tasse et observa, désemparé, la spirale de couleur claire qui se formait à la surface de son café. Puis il releva les yeux et dit :
    — Quels sont vos projets, commissaire ?
    — Peut-être ferais-je bien de demander sans tarder une audience au comte de Chambord afin de lui apprendre que nous avons de bonnes raisons de placer son palais sous surveillance. En dehors de cela, poursuivit-il après un soupir, il reste juste à espérer que personne ne va découvrir ce matin le cadavre d’une jeune femme éventrée.
    — Vous ne préférez pas attendre l’autorisation du

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