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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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Nogtev a été
sur-le-champ relevé de ses fonctions et que le Trust des combustibles sera soumis
à une nouvelle épuration… Les Moscovites auront froid cet hiver !
    Dans les deux cas cités, les choses suivent un cours
inexorable. La production a été profondément désorganisée par la répression qui
a frappé, avec la dernière rigueur, à peu près tous les hommes de la révolution
d’Octobre, tous les vieux bolcheviks, tous les fonctionnaires et les
administrateurs de la génération bureaucratique qui s’imposa entre 1927 et 1936.
Constater aujourd’hui les effets de cette destruction des cadres, c’est mettre
en accusation des nouveaux dirigeants et le chef infaillible qui a sacrifié ses
serviteurs de la veille.
    Le mal ne sera réparé, au seul sens économique du mot, qu’avec
les années, après la normalisation du régime, quel qu’il devienne. Cette
normalisation, il est vrai, on ne la voit pas encore poindre. De tout ceci se
dégage, du point de vue des intérêts essentiels du socialisme, une leçon
terriblement éclatante : la production collectiviste a besoin de liberté. Il
faut que l’homme, dans l’usine socialisée, se sente libre de sa pensée, de sa
parole, de sa critique, respecté dans ses droits élémentaires, sûr du lendemain,
pour que la production puisse avoir un rendement normal. Sans démocratie, nous
ne le redirons jamais assez, pas de production socialiste digne de ce nom, capable
de progrès.

La guerre de Chine
    2-3 octobre 1937
    Vous pourriez tout d’abord me faire observer qu’il n’y a pas
de guerre sino-japonaise et même qu’il ne saurait y en avoir. Les deux
puissances, en effet, ont signé le pacte Briand-Kellogg, de renonciation à la
guerre [161] …
Il n’y a pas même de rupture diplomatique : les deux ambassadeurs sont
restés à leurs postes. Il fut question pendant la première bataille de Shanghai
d’un nouveau pacte de non-agression entre Nankin et Tokyo. Sans doute est-il
apparu comme superflu puisqu’on n’en a plus reparlé. Donc, pas de guerre… Les
survivants des bombardements de Shanghai, Canton et autres lieux sont peut-être
d’un avis différent ; mais chacun sait que personne ne leur demande leur
avis. Fort heureusement ! On en entendrait de belles, si les pauvres gens
étaient un beau jour consultés sur ce qui se passe ! Rassurez-vous, les
États totalitaires – et même les autres – prennent quant à cela leurs
précautions.
    Depuis de longues années le Japon traverse des crises
sociales sur lesquelles nous savons trop peu de chose. Sa population continue
de s’accroître. Avec la Corée, elle atteint 90 millions d’âmes, s’étant accrue
de 7 298 000 en cinq ans. Cet empire insulaire surpeuplé manque de
vivres et de matières premières. Il achète à l’étranger jusqu’à du riz, des
fèves, du sucre ; il manque de minerais et de combustibles, bien qu’ayant
fait des prodiges pour utiliser ses maigres ressources naturelles. La conquête
de la Mandchourie peut donc apparaître comme lui ayant été en un certain sens nécessaire [162] . Tant que les
peuples n’auront pas appris à organiser leurs échanges dans un esprit d’aide
mutuelle et de sauvegarde de l’intérêt commun, ils en seront réduits à refaire
de temps à autre la carte à coups de canon. (Il fut un temps où, de même que
les nations aujourd’hui, les villes, les ports, les châteaux guerroyaient entre
eux pour la possession des ponts, la maîtrise de cours d’eau, le rançonnement
des caravanes. Le temps présent passera comme a passé ce temps-là.) En réalité,
c’est la crise sociale du Japon qui l’oblige à chercher des solutions à ses
problèmes de ravitaillement et de débouchés dans les guerres de conquête. Un
peuple mal nourri et durement exploité, nombreux, industrieux, intelligent, travaillé
par des idées révolutionnaires, ne peut être maintenu en état de sujétion que
par l’appel constant au sentiment national. La dictature des financiers et des
militaires, à l’intérieur, a besoin d’être justifiée par des succès d’armes à l’extérieur.
Cette situation n’est pas celle du seul Japon. Or il fallait ou s’entendre avec
la Chine, c’est-à-dire renoncer vis-à-vis de ce pays à une politique de
prestige et d’asservissement impérialiste, ou faire la guerre ; et pour la
guerre choisir l’heure sans différer.
    L’heure a paru bonne, au cours de l’été 1937. L’URSS, voisine
menaçante,

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