Retour à l'Ouest
produit frelaté de
cette décadence. Nous lui opposons l’intelligence audacieuse, probe et active
qui veut non seulement comprendre le monde, mais encore le transformer.
L’évolution du droit pénal en URSS *
16-17 Octobre 1937
L’évolution du droit pénal caractérise le degré d’humanité d’une
société : c’est dire qu’elle constitue un véritable indice de culture.
Le XVIII e siècle abolit la torture dans la
plupart des pays de civilisation européenne. Le XIX e abolit les
châtiments corporels et tend à l’abolition de la peine capitale. La guerre et
les convulsions sociales qui la suivent amènent à ces égards une terrible
régression. La révolution russe, en 1917, proclame cependant l’abolition de la
peine de mort. Les révolutions naissantes sont généreuses ; elles le
resteraient si la guerre des classes ne s’allumait pas après les faciles
victoires des premiers temps. La chute d’un pouvoir politique haï des
populations provoque d’abord un soulagement général ; puis, les intérêts
opposés des possédants et des non possédants se heurtent ; la résistance
des uns exaspère l’agressivité des autres : la guerre sociale éclate. Il
en a été ainsi jusqu’à nos jours dans toutes les grandes révolutions (ce qui ne
veut pas dire, d’ailleurs, qu’il en sera toujours ainsi : rien ne nous
empêche d’espérer que la puissance des masses amènera quelque jour les
privilégiés à des abdications infiniment plus raisonnables, parce que moins
coûteuses, que les massacres). La guerre civile entraîne donc en Russie, dès
1918, le rétablissement de la peine de mort, dont la dictature du prolétariat
use d’abord avec une extrême modération. On ne compte que quelques exécutions
dans les premiers mois du nouveau régime et ce ne sont point celles d’adversaires
politiques. Plus tard, un péril immense, né de l’intervention étrangère, détermine
chez les travailleurs russes un réflexe identique à celui de la nation
française en 1792. La terreur rouge leur apparaît nécessaire comme une terrible
mesure de salut public : et le fait est qu’elle contribue à la victoire. Le
fait est aussi qu’elle réplique à la terreur blanche, se montrant après tout la
moins cruelle des deux, parce qu’elle est l’arme des classes les plus
nombreuses contre les moins nombreuses, et qui apportent un nouvel idéal.
Au plus fort des luttes, dans le cercle de feu, l’œuvre
législative des Soviets se poursuit, contrastant parfois d’une façon
saisissante avec la rigueur draconienne des mesures de combat. Ainsi s’affirme
la volonté réformatrice du bolchevisme. Les peines perpétuelles sont abolies. Les
longues peines d’emprisonnement sont abolies. La Russie rouge donne, dès lors, au
monde un exemple sans précédent. À peine croit-on avoir fini la guerre civile, que
Dzerjinski, en 1920, fait voter par le Conseil des Commissaires du Peuple, où
siègent alors Lénine, Trotski, Alexis Rikov et Staline, la suppression de la
peine de mort. La guerre avec la Pologne en imposera, quelques mois plus tard, le
rétablissement. Deux ans plus tard, va commencer la lutte entre le régime
bureaucratique et les éléments avancés du parti ; et nous allons voir la
législation pénale revenir peu à peu sur tous les progrès réalisés dans les
premiers temps par l’esprit socialiste.
Au début de la révolution, un décret fixe à cinq années la
peine d’emprisonnement la plus forte, la peine coutumière étant de trois ans. Peu
de temps après, la peine la plus forte est ramenée à dix années de réclusion. Plus
de deux lustres s’écoulent. Ces jours derniers, un décret vient de rétablir
pour certaines catégories de délinquants des peines allant jusqu’à vingt-cinq
ans de réclusion ou de travaux forcés. Vingt ans après la victoire, la
régression s’avère ainsi complète.
Pour ce qui est de la peine de mort, il y a pis. Jamais, sous
l’ancien régime, il ne fut question de l’appliquer dans un si grand nombre de
cas, si largement, avec un pareil mépris du sang. La presse officielle vient d’annoncer
que l’on fusille désormais les « voyous incorrigibles », c’est-à-dire
les jeunes gens démoralisés par la misère et l’inculture, qui seraient, en d’autres
pays, passibles de la correctionnelle. (35 « voyous » ou « hooligans »
– du mot anglais –, ont été passés par les armes à Irkoutsk, en septembre). De
règle, la
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