Retour à l'Ouest
Autonomie
des régions et des communes, suffrage universel, égal et direct des deux sexes,
droit de référendum et de veto. 3) Abolition du Sénat, suppression de la police
politique, élection des magistrats… 4) Suppression des titres de noblesse… 5) Suppression
du service militaire obligatoire. 6) Libertés d’opinion, de presse, d’association…
7) Enseignement pour tous… 8) Hygiène publique. 9) Suppression des sociétés
anonymes et par actions, suppression des banques et des bourses. 10) Taxation
des fortunes privées, confiscation des revenus improductifs (
sic
). 11) Journée de huit heures. 12) Réorganisation
de la production d’après le principe coopératif et participation des ouvriers
aux bénéfices. 13) Abolition de la diplomatie secrète. 14) Politique internationale
s’inspirant de la solidarité des peuples et de leur indépendance dans une
Confédération des États. »
On remarque de prime abord que le fascisme victorieux a fait
exactement, point par point, le contraire de ce qu’il promettait en naissant. Mais
à la vérité, il ne savait pas bien lui-même où il allait. Il rassemblait des
éléments actifs, énergiques et mécontents, venus des groupes d’avant-garde des
milieux d’anciens combattants. C’était une formation de déclassés. Tant que l’initiative
appartint à la classe ouvrière, le fascisme fut pourtant avec elle. Mussolini
approuva hautement les occupations d’usines, tout en se prononçant avec
violence contre le « conservatisme réactionnaire » du parti
socialiste. Que n’écrivait-il pas d’ailleurs, au jour le jour ! « Nous
sommes absolument hostiles à toute espèce de dictature ! » (
Popolo d’Italia
, 24 mars 1920) « Nous
défendons toute liberté contre toute tyrannie y compris la tyrannie soi-disant
socialiste. » (
Popolo d’Italia
,
11 novembre 1919) Sa façon démagogique ne lui valait que de médiocres succès. Aux
élections de 1919, s’étant présenté à Milan où il avait le plus de partisans, Mussolini
réunit à peine 5 000 suffrages sur 350 000 électeurs inscrits.
L’Italie pouvait faire sa révolution socialiste, tout nous
porte aujourd’hui à le croire. Elle ne la fit pas. Les socialistes italiens
craignirent le blocus : la péninsule manque de blé, de combustibles, de
matières premières et les gouvernements de l’Entente faisaient alors le blocus
à la République des Soviets. L’auteur du livre que je parcours n’indique pas
ces raisons, extrêmement sérieuses, de la carence socialiste. – « Révolutionnaire »
et antisocialiste, dans un pays effervescent, le Fascio était en fait à vendre.
On l’acheta tout de suite. S’il put s’armer, s’il put multiplier ses organisations,
c’est que le gros patronat, les banques et les ministres mêmes des cabinets
démocratiques le subventionnèrent et l’encouragèrent pour l’utiliser contre le
mouvement ouvrier. Il leur offrait à point nommé une troupe de choc. « Les
squadre
fascistes sont
abondamment pourvues d’armes par les soins du ministre de la guerre Bonomi qui
leur fournit même des instructeurs… » Les gouvernements les laissent faire
et, rien que dans les six premiers mois de 1921, ces bandes armées détruisent
59 bourses du travail, 85 coopératives, 25 maisons du peuple, 43 associations d’ouvriers
agricoles, 51 cercles politiques, 10 imprimeries, 6 journaux quotidiens – d’après
l’historien officiel du fascisme, Chiurco [193] .
Si elles finissent par occuper Rome, c’est que le gouvernement Facta, continuant
la politique du libéral Giolitti leur a délibérément abandonné la rue [194] . Des politiques
libéraux, dont la candeur paraît aujourd’hui à peine vraisemblable, comptaient
sur le roi Victor-Emmanuel pour organiser la résistance au coup de force. Victor-Emmanuel,
préférant le
condottiere
réactionnaire à des politiciens usés et craignant par-dessus tout les masses
populaires, invita Mussolini, républicain de la veille, à former le ministère…
Ainsi, le fascisme italien n’a pas pris le pouvoir : il
l’a reçu des mains du roi et de la bourgeoisie libérale défaillante. Il s’est
imposé, grâce à une incohérence étoffée d’antisocialisme, comme une sorte de
milice volontaire au service d’une réaction patronale, financière, aristocratique,
monarchique, trop faible pour combattre à visage découvert. Il a réussi une
contre-révolution préventive parce que la classe ouvrière
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