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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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sursis
– encore trois jours environ de sursis et ils le savent – prononcent leurs
dernières déclarations. Le tour de Krestinski venu, il parle, reprend ses aveux
et termine avec ces mots extraordinaires, plus extraordinaires encore d’avoir
été publiés tels quels dans le compte rendu officiel :
    « Mon attitude, citoyens juges, n’est pas en
contradiction avec celle que j’eus le premier jour du procès. Je reconnais que
mon refus de m’avouer coupable constituât objectivement une action
contre-révolutionnaire. Mais de mon point de vue subjectif, ce n’était point
une manifestation d’hostilité. Au cours des dernières audiences, j’ai tout le
temps été sous l’impression des faits terrifiants que j’ai appris par l’acte d’accusation… »
    Vous avez bien lu. Refuser les aveux, c’était pour
Krestinski, objectivement, – c’est-à-dire indépendamment de sa volonté, – commettre
une action contre-révolutionnaire. De son point de vue subjectif « ce n’était
point une manifestation d’hostilité » envers le tribunal, – c’était un
mouvement spontané, sincère ; il se considérait comme innocent. Il s’est
reconnu coupable
depuis
, sous
la « terrifiante » impression de faits qu’il n’a connus que par l’acte
d’accusation ! ! !
    Naufrage d’une conscience brisée par la raison d’État, enlisée
dans l’imposture, désarmée par le meilleur d’elle-même, désarmée par sa
capacité de sacrifice. Trois jours plus tard, Krestinski et ses dix-huit
compagnons d’infortune prenaient l’ascenseur pour descendre à la cave où l’on
meurt. Sans comprendre peut-être, même à cette effroyable dernière minute, par
quelle aberration leur parti les assassinait ainsi. Car trop de fidélité
aveugle.
    Le même jour, dans une des capitales soviétiques de l’Asie
centrale, à Alma Ata, dix-neuf ex-membres du gouvernement du Kazakhstan étaient
fusillés après un procès à huis clos.
    Dix-huit notables – dont cinq compagnons de Lénine – à
Moscou, dix-neuf à Alma Ata, trente-sept au total… Et que d’inconnus ailleurs ?

Le Mexique à l’honneur…
    10 avril 1938
    Trois fois en moins de deux ans, le Mexique s’est trouvé à l’honneur…
Il a offert l’asile à un grand proscrit révolutionnaire chassé de tous les pays
d’Europe, Trotski. Il a fourni ouvertement des armes à la République espagnole.
Il vient, enfin, de signifier aux trusts mondiaux du pétrole que leur puissance
ne saurait être perpétuelle.
    Le président Lázaro Cárdenas a signé,
le 15 mars, un décret sur l’expropriation des compagnies exploitant les
gisements de pétrole du pays. Dix-sept compagnies sont ainsi dépossédées. La « Mexican
Eagle », qui appartient au trust international « Royal Dutch », est
du nombre. Le coup porté aux maîtres du monde est direct et, de plus, appliqué
selon les bonnes règles du jeu, c’est-à-dire du droit. Les ex-propriétaires
seront indemnisés. Les dix-sept sociétés lésées se sont aussitôt adressées aux
tribunaux, qui viennent de les débouter. Les milieux financiers et industriels
des États-Unis, seuls à même de réagir promptement, ont « encaissé »,
pour employer ici un terme de boxe. Des notes officieuses émanant de Washington
constatent que les négociations avec le Mexique – négociations concernant les
indemnisations des compagnies américaines et les fournitures de pétrole et de
métal-argent – sont en bonne voie. La presse capitaliste des deux mondes semble
en être pour ses frais d’indignation.
    Les réserves de pétrole du Mexique sont évaluées à 10 %
environ de celles du globe. La production, par contre, après avoir atteint, en
1921,27 % de celle du monde, avec 28 978 000 tonnes, est tombée, en
1937, à 2,4 %, avec 6 900 000 tonnes. Le Mexique n’occupe plus que le
sixième rang parmi les pays producteurs de pétrole (1. États-Unis ; 2. URSS ;
3. Venezuela ; 4. Iran ; 5. Indes néerlandaises). La baisse de sa
production paraît liée à l’accroissement de la production des États-Unis, qui
atteint 72 % de celle du monde. L’expropriation revêtant la forme d’un rachat, on
comprend que le moment est bien choisi : l’État rachète des industries qui
traversent une crise sévère, mais auxquelles les richesses naturelles – c’est-à-dire
les gisements – assurent un bel avenir.
    Le président Cárdenas n’est intervenu avec cette énergie qu’après
de longues

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