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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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gagnées par un nouveau dynamisme. La
rébellion militaire en Espagne, tramée de longue main par les politiques des
classes possédantes avec l’appui – et les conseils – des deux dictatures fascistes,
est une sorte de coup d’arrêt porté par la réaction internationale à la classe
ouvrière internationale.
    Un observateur socialiste infiniment averti et scrupuleux
consacrait dernièrement à l’événement de juin 36 une étude très claire, malheureusement
unique en son genre, qui devrait passer sur la table de travail de tout homme
animé du désir de comprendre le temps présent. Il faut déplorer que ce travail
soit, pour le moment, inaccessible au grand public, ayant été publié en
français dans l’
International Review of
Social History
, de Leide : « Les occupations d’usines en
France de mai et juin 1936 », par Salomon Schwarz [234] . L’auteur se
borne à tracer un tableau analytique des faits ; mais ces faits sont
grandioses, ces faits débordent l’actualité pour marquer toute une époque, ces
faits, on y reviendra sans cesse car ils manifestent l’arrivée de la classe
ouvrière de France (et de Belgique), débilitée par la grande guerre, à une
sorte de virilité nouvelle.
    Des occupations d’usines de peu d’importance ont été
signalées dès 1931 en Pologne ; puis en Roumanie, en Espagne, en
Angleterre (1935). Ainsi naît, on ne sait trop comment, d’initiatives inconnues,
procédant d’un fait de conscience nouveau, une nouvelle méthode de combat
social. Il est évident qu’elle implique, chez les ouvriers comme chez les
patrons, une profonde modification du sentiment de la propriété. La prise de
possession de l’usine paraît aux travailleurs aussi naturelle que l’abandon de
l’usine devient aux yeux du patronat stupéfait une réalité inévitable.
    On a pu dire que les régimes ne sont point renversés : ils
tombent par leur propre faute. Ils provoquent eux-mêmes les actions nécessaires
à leur renversement. En 1919,557 conventions collectives réglant les conditions
du travail avaient été conclues entre le patronat français et les syndicats. En
1933,20 seulement, vingt ! En janvier 36, le Syndicat des métaux offrant
au patronat d’entrer en négociations au sujet d’une convention collective se
heurtait à une fin de non-recevoir. C’est le refus du patronat de reconnaître
le droit syndical qui va déclencher tout à coup le formidable mouvement de
mai-juin 36.
    Au début de mai, dans l’Aisne, trente ouvriers émailleurs de
Saint-Michel-Sougland occupent leurs ateliers et remportent en cinq jours une
modeste victoire… Ils ne se doutent pas qu’ils sont les premiers tirailleurs d’une
immense bataille rangée. Des usines d’aviation au Havre et à Toulouse entrent
en lutte les 12-13 mai. Puis c’est Courbevoie, puis les masses de Boulogne-Billancourt
(usines Renault). Sous le mur des Fédérés du Père-Lachaise, soixante mille
travailleurs parisiens ont vu Léon Blum – dont le succès électoral du Front
populaire fait le chef du gouvernement de demain – lever le poing avec eux. La
victoire électorale et les manifestations dans la rue donnent à la classe
ouvrière un sentiment de puissance et de sécurité qu’elle n’avait encore jamais
éprouvé. C’est l’heure d’agir, car puissance oblige. Des millions d’hommes du
travail le sentent – sans même avoir besoin de le penser.
    Le mouvement est spontané, d’une ampleur sans précédent, tout
à fait inattendu pour les syndicats, pour le patronat, pour les partis. En
pleine grève, le cabinet Sarraut démissionne, le cabinet Léon Blum se forme, avec Marx Dormoy à l’Intérieur. La presse bourgeoise dénonce, avec
raison, les occupations d’usines comme un attentat au principe sacré de la propriété
privée. Seulement, ce principe n’est plus sacré du tout, en réalité, depuis que
les révolutions et même les contre-révolutions ont montré ce qu’on en peut
faire. La Confédération générale du patronat, qui semble, dans son aveuglement,
vouloir pousser les masses à bout, déclare qu’elle ne négociera qu’après
évacuation des usines. Le gouvernement à direction socialiste prend alors l’initiative
de formuler les revendications ouvrières en les satisfaisant : et il fait
ainsi, du premier coup, plus que la veille il ne pensait peut-être obtenir en
toute une législature. Semaine de quarante heures, congés payés, conventions
collectives,

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