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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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augmentation des salaires.
    Le 5 juin, les métaux, les produits chimiques, le bâtiment, l’alimentation,
l’habillement, les arts graphiques sont en grève avec un enthousiasme
tranquille. Du 8 au 14 juin, d’après une statistique officielle du ministère du
Travail, il y a 1 830 930 grévistes ; 8 941 entreprises
sont occupées. Le cardinal Verdier, archevêque de Paris, lance un appel
conciliant aux travailleurs et
L’Humanité
,
quotidien du PCF, section française de l’Internationale communiste, l’approuve
dans son numéro du 7 juin. À Moscou, Staline estime, sans doute, que le
cardinal a raison. Le parti communiste, d’ailleurs, préconise la modération. Thorez
affirme que « tout n’est pas possible ! » [235] (On sait, par
ailleurs, qu’au rassemblement populaire le PCF s’oppose à la nationalisation
des trusts.)
    Léon Blum ayant catégoriquement refusé d’employer la force
pour faire évacuer les usines, la Confédération patronale consent à négocier. Ses
représentants rencontrent à l’hôtel Matignon, siège de la présidence du Conseil,
ceux de la CGT. La signature des « accords Matignon » consacre l’éclatante
victoire pacifique de la classe ouvrière. Il ne reste plus à la presse
bien-pensante qu’à dénoncer le « caractère fasciste » de la nouvelle
législation sociale (
Le Temps
).
La vague des grèves ne tombera tout à fait qu’en août.
    Les syndicats, dépassés par l’événement, l’ont suivi de leur
mieux, canalisé, organisé. Leurs effectifs doublent, triplent parfois. En vingt
jours de luttes, l’initiative spontanée des masses, déclenchée à l’instant
politique propice, a valu aux travailleurs des conquêtes dont vingt années de
patience ne leur permettaient pas de rêver la veille.

Nouvelles de Moscou *
    17-18 juin 1938
    Le drame russe va-t-il de nouveau rappeler à lui l’attention
du monde ? Il se peut. Si maladroits qu’ils soient, au point de vue
psychologique, les grands procès suivis d’exécution répondent à une nécessité. Sans
doute, ils sèment le discrédit autour de la puissance soviétique, troublent et
démoralisent ses partisans et tout le mouvement ouvrier. Mais comment faire
disparaître les fondateurs d’un nouvel État, les héros d’une action historique
sur laquelle les générations ne cesseront pas de se retourner, – comment les
faire disparaître sans donner au pays une explication, si mauvaise qu’elle
puisse être ?
    La presse anglaise fait pressentir un prochain procès des
diplomates où l’on verrait figurer les ex-attachés militaires à Paris, Londres
et Berlin, les ex-ambassadeurs à Tokyo et Oslo, l’ex-consul général à Barcelone, Antonov Osveenko , celui-là même qui, le 7 novembre 1917,
dirigeait l’assaut du Palais d’Hiver – et qui, rappelé d’Espagne à Moscou, pour
recevoir le portefeuille de la Justice, disparaissait en prison vers le 7
novembre 1937… Avec ou sans procès, il est bien certain que tous ces hommes – et
tous leurs compagnons de travail et de luttes depuis plus de vingt ans – sont
perdus. Je l’ai maintes fois écrit, depuis deux ans, non sans souhaiter ardemment
de me tromper… Loin de là, les faits ont, par leur rigueur atroce, dépassé mes
prévisions, dépassé les pires prévisions…
    On a vu continuer au cours des derniers mois la destruction
des générations révolutionnaires. Ont disparu notamment : l’ancien marin
de Cronstadt Dybenko qui joua un rôle de premier plan en
1917, récemment commandant en chef de la circonscription militaire de Leningrad ;
l’ambassadeur de l’URSS à Sofia, Raskolnikov, qui en 1917-1920, après avoir
pris part à l’insurrection victorieuse, commanda une flotte rouge de la Volga
puis dans la Caspienne, devant les côtes de la Perse ; le commissaire du
peuple à la Justice Krylenko, qui fut, en 1917, le premier généralissime
bolchevik des armées russes et, plus tard, en qualité de procureur, requit dans
les procès politiques les plus importants… Enfin, trois des personnages les
plus influents de l’entourage immédiat de Staline semblent bien avoir
brusquement fini leur carrière exactement comme ils avaient aidé à en
interrompre beaucoup d’autres : Stetski, directeur des services de
propagande, de littérature et de sciences du Comité Central, Eikhé, un des
spécialistes de l’agriculture du CC, réputé pour avoir fait accepter la
collectivisation par les paysans de la Sibérie

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