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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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devenu une vaste
usine auxiliaire des usines françaises et anglaises. Un pactole s’y déverse, le
prolétariat se sent devenir une force au sein du régime qui se survit d’année
en année en suspendant périodiquement les garanties constitutionnelles. Le
Treizième Alphonse est bien, ici-bas, depuis que Nicolas Romanov a disparu, le
prince le moins sûr de sa vie et de son trône. En 1917-1918 la révolution russe,
tout à ses débuts, suscite en Catalogne de tels échos que les syndicalistes
barcelonais tentent de prendre le pouvoir [45] .
    Un peu plus tard, le terrorisme anarchiste aboutit à un
désastre. Primo de Rivera, marquis d’Ertella, fait alors son coup de force (1923).
Ce sera le dictateur ridicule, obèse, prolixe et incapable, dont la mission
véritable semble être de préparer la chute de la monarchie. Le jour où il tombe,
ayant réussi à mécontenter jusqu’à la haute bourgeoisie industrielle, jusqu’aux
chefs de l’armée, jusqu’au clergé, des gens bien habillés font la queue devant
les permanences de son parti national pour exiger leur désaffiliation immédiate…
    Alphonse XIII tente, après la dictature, l’expérience
démocratique, mais les élections municipales de 1931 donnent une si
enthousiaste majorité aux partis républicains à peine sortis de l’illégalité, qu’il
fait sagement de s’embarquer pour l’étranger. Ce qui finit à ce moment ne
saurait renaître. C’est un régime d’incompétence, de privilèges surannés, de
corruption bureaucratique, militaire et dynastique qui a tout entravé depuis un
demi-siècle, à seule fin de se maintenir. Tout est à faire au moment où naît la
II e République espagnole. Résoudre la question agraire qui s’exprime
en ces termes : des millions de paysans voués au dénuement, de vastes
domaines seigneuriaux en friche ou dépourvus d’irrigation ; la question
ouvrière posée par un million de prolétaires avancés, socialistes et
syndicalistes qui, sans avoir été atteints dans leur chair et leur vitalité par
les hécatombes de la guerre, ont senti se tremper sous la dictature leur
volonté de transformation sociale ; le problème de l’État, en proie à des
nuées de parasites ; le problème de l’armée dont l’esprit de caste demeure
un dangereux facteur de contre-révolution ; le problème des mouvements
régionaux, surtout grave en Catalogne ; le problème financier… Et s’il est
quelque chose de certain c’est que les solutions ne sont pas à rechercher dans
des retours vers le passé, fut-ce au prix du sang. Qu’on ne saurait les attendre
des profiteurs du passé, quelle que soit leur décision à se battre contre les
masses populaires. La succession d’Espagne est ouverte aux classes laborieuses
qui jamais encore, dans l’histoire du pays, n’eurent l’occasion de donner la
mesure de leurs capacités. Leur heure est enfin venue. L’Occident semble près
de s’enrichir d’une Espagne nouvelle.

Données sur L’Espagne *
    1-2 août 1936
    On ne peut rien comprendre d’un pays où se joue la tragédie
de la guerre civile, sans connaître au moins dans ses grands traits sa
situation économique. Voici :
    En dix ans, l’Espagne a vu décroître sa production de
minerai de fer de 56 % (4.612.000 tonnes en 1924 et deux millions de tonnes en
1934). En 1934,1 500 mineurs de Biscaye avaient du travail sur 6 500.10 000
métallurgistes sur 29 000 étaient chômeurs.
    L’Espagne qui, en 1913, produisait 9 000 000 de
tonnes de charbon, n’en produit plus en 1934 que 5 800 000 t. ; par
contre, elle importe du charbon étranger (780 000 t. en 1934).
    Possédant autant de minerais que l’Italie, sa production de
l’acier s’élève à peine au tiers de celle de ce pays.
    Son réseau ferré est un des plus indigents et des plus
coûteux de l’Europe, car il a été construit par la monarchie pour ses besoins
de conservation sociale, sans grand souci des intérêts véritables du pays. Toutes
les voies convergent vers Madrid, centre bureaucratique, tandis que les régions
agricoles ou minières sont faiblement desservies. Le transport des marchandises
par la voie ferrée est 3,5 fois plus cher qu’en France.
    Il va de soi que, dans ces conditions onéreuses d’exportation,
la construction de nouvelles voies indispensables apparaît aux compagnies comme
une entreprise par trop risquée…
    De 1924 à 1934, les dépenses de l’État ont passé de 2
milliards 941 millions de pesetas

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