Retour à l'Ouest
à 4 milliards 477 millions. Le déficit a
passé de 164 millions en 1924 à 594 millions en 1934. La dictature de MM. Primo
de Rivera et Calvo Sotelo porta en quelques années la
dette publique de 13 milliards de pesetas à 20 milliards. (De 1930 à 1934 l’augmentation
de la dette ne fut par contre que de 1 milliard 680 millions.) Les dictatures
coûtent cher.
Alors que les grands pays que l’on peut considérer comme
étant à la tête des nations civilisées dépensent plus pour leurs œuvres
sociales que pour le militarisme et la répression (l’Angleterre, les États-Unis,
la Suède, le Danemark, la Belgique, d’après les chiffres de la Fédération
Syndicale Internationale, dépensent deux à trois fois plus pour leurs œuvres d’intérêt
général que pour l’armée et la police), en Espagne, comme dans les pays
fascistes, la proportion des dépenses est inverse. En 1934, la République
espagnole consacrait 963 millions de pesetas à son armée, à sa marine, à sa
police, et 745 millions à l’enseignement, l’hygiène, la prévoyance sociale, etc.
Le salaire moyen d’un journalier agricole andalou s’élève à
3 pesetas par jour, alors que le budget minimum de sa famille atteint 4,55
pesetas. Déficit net : 1,55 pesetas. Donc : sous-alimentation et
misère en travaillant. (Le salaire ouvrier est proportionnellement plus élevé, mais
on tiendra compte du chômage.)
Que voici des chiffres affligeants ! Cherchons-en d’autres,
pour ne point trop broyer du noir. Vite, la note optimiste. Il n’est pas
possible que tout aille si mal dans la Péninsule. Il y a tout de même des gens
heureux, il doit y en avoir !
Mais oui. Ce sont, par exemple, les actionnaires de la
Banque d’Espagne. Sans doute le taux de l’escompte de cette banque atteint
pratiquement 8 % (6 % d’escompte formel, plus le timbre et la taxe) alors qu’il
n’est en Angleterre, au même moment, que de 2 %, mais cela n’empêche pas la
banque de réaliser, en 1933, dernier chiffre que j’ai sous la main, 115 millions
de pesetas de bénéfices : « En 1931-1933, avec un capital réel de 150
millions de pesetas, la Banque d’Espagne réalise 366 millions de bénéfices »,
écrit mon vieux camarade Joaquín Maurín , député ouvrier de
Barcelone. « L’année de grande crise, 1934, fut splendide pour la banque
qui répartit un bénéfice de 130 %… ». Bref : industrie rachitique et
parasitaire, transports parasitaires et arriérés, banque parasitaire faisant de
fort beaux bénéfices…
Et une armée hypertrophiée, profondément réactionnaire dans
ses cadres, une armée dans laquelle les officiers de carrière sont plus
nombreux que nulle part ailleurs, attachée en la personne de ses chefs au
régime de la propriété foncière et de l’État bureaucratique, légué par la
monarchie. La caste militaire directement menacée par la réforme agraire et par
la réforme de l’État. En face, une classe ouvrière énergique, appuyée par les
cultivateurs et par la partie la plus éclairée des classes moyennes des villes,
venant mettre de l’ordre dans la vieille maison vétuste et délabrée…
Sur la proportion des forces sociales en présence, le député
du centre – et plutôt du centre-droit – Miguel Maura , disait
au lendemain de l’insurrection des Asturies (octobre 1934), au chef des droites, Gil Robles :
« Savez-vous, Monsieur, quelle est la composition du
corps social aujourd’hui comme il y a un an, comme il y a dix-huit mois ? La
Direction Générale de la Sûreté a dressé récemment une statistique extrêmement
curieuse des forces respectives des organisations ouvrières et des partis de
droite. Cette statistique, arrêtée aux premiers mois de 1934, nous donne les
chiffres suivants : socialistes, 1 444 474 affiliés cotisants ;
syndicalistes, 1 577 547 ; communistes, 133 266. Forces de
droite, cotisants ou non, parce que à droite tout le monde est loin de payer
des cotisations, 549 000 personnes. »
Ainsi :
3.155.287 travailleurs organisés contre 549.946 membres des
organisations de droite à tendances fascistes.
« Si les forces ouvrières, aujourd’hui désunies, s’unissent,
que deviendrons-nous, señor Gil Robles ? » demandait Miguel Maura.
Il est vrai que les groupements de droite peuvent compter
sur l’armée ou, plus exactement, sur les généraux et les officiers de carrière ;
et aussi sur les mercenaires bons à tout faire de la Légion
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