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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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enrichi des conquêtes ininterrompues du XIX e et du début du XX e siècle semblait devoir pénétrer la mentalité
générale. Nous avons connu, en Allemagne, le succès du pessimisme de Spengler , auteur d’un système cyclique de l’histoire
destiné à expliquer, sinon justifier, la décadence de l’Occident, à l’évidente
intention d’une Allemagne impérialiste vaincue et humiliée. Nous avons vu se
déchaîner au pays de Gœthe la plus insane épidémie d’antisémitisme. Nous avons
vu devenir officielle la théorie naïvement antiscientifique des races pures et
de l’aryanisme. (Il suffit pour la réfuter pratiquement de rappeler que l’un
des peuples les plus énergiques du globe est précisément celui qui ne peut à
vrai dire se réclamer d’aucune race européenne, ayant le mieux mêlé dans son
creuset toutes les vieilles nations pour se donner un type sinon nouveau, du
moins puissamment renouvelé : le peuple des États-Unis.) Le culte des
chefs –
Duce
,
Führer
, Ghazi , le « Chef
génial » en Russie – nous a fait rétrograder dans l’idolâtrie des
dictateurs, à des siècles en arrière, au-delà des monarchies absolues, cela à
une époque où le rôle de l’individu dans l’histoire peut enfin être apprécié à
sa juste valeur, en fonction des déterminantes économiques et collectives de la
vie sociale. Des régimes d’autorité se sont affirmés, niant à la face du monde
les droits essentiels de l’homme moderne : le droit à la pensée, à la
parole, à la dignité personnelle. Et ce ne sont point là grues métaphysiques, mais
réalités fort concrètes pour tout travailleur, réalités auxquelles l’on en
oppose d’autres qui sont les barbelés des camps de concentration, les rocs
brûlés des îles Lipari [46] ,
les barreaux de cellule, la torche jetée parmi les livres, le pilon pour les
œuvres non-conformistes…
    Autant de signes certains d’un obscurcissement de la
conscience sociale, telle qu’elle avait fini par se préciser à la veille du 2 août
1914, dans une civilisation qui semblait promise à un bel avenir. Nous venons d’en
indiquer l’une des causes : l’amoindrissement physique des classes
laborieuses, les plus intéressées au progrès, parce que tout progrès réel de la
technique et de l’organisation sociale se traduit pour elles par un
accroissement de bien-être et de liberté. Mais il est une cause seconde, dérivée,
non moins importante : l’intérêt des minorités réactionnaires menacé par
les contradictions du régime économique. Toutes les formes rétrogrades de la
pensée, des mœurs, de l’État sont au service exclusif de minorités privilégiées
qui ont à défendre précisément des avantages devenus indéfendables. Les
fascismes emportent sur des classes ouvrières épuisées de faciles triomphes
pour maintenir, au profit des classes riches, l’édifice capitaliste lézardé de
toutes parts. Ils ne peuvent même le maintenir en réalité qu’en le condamnant
en principe : Mussolini s’est flatté de substituer l’intérêt national à l’intérêt
capitaliste ; Hitler, avant de se mettre au service de la haute
métallurgie, fit maintes professions de foi anticapitalistes.
    Mais le temps a fait son œuvre et le temps travaille pour le
nombre. Le temps panse les plaies, multiplie les globules rouges dans les
veines des masses anémiées, fait justice des doctrines non viables qui ne
peuvent s’appuyer que sur la force ; qui ne durent, en d’autres termes, que
grâce au bâillon. Il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir qu’une
vingtaine d’années après la guerre les classes laborieuses entreraient en
convalescence. Il ne faut pas être grand clerc pour annoncer qu’à la
convalescence succédera dans peu d’années, quatre, cinq ou six ans probablement,
une phase de puissance, d’activité, de redressement spirituel, d’initiatives
transformatrices (si la guerre n’interrompt pas auparavant la récupération des
forces). Le réveil des travailleurs français après le coup d’État manqué du 6 février
1934 [47] fut déjà significatif ; les grandes grèves de France et de Belgique ont
accentué l’impression d’un relèvement du mouvement ouvrier dont les
conséquences ne sont pas encore calculables [48] .
    Les dirigeants de la contre-révolution européenne le savent
aussi bien que nous. Ils ont compris la portée des événements du début de 1936.
Et, ne ménageant rien ni

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