Retour à l'Ouest
blés de Tchécoslovaquie.
Autre contrecoup désastreux de ce faciles succès : la mobilisation de l’opinion
aux États-Unis et le rapprochement inévitable entre l’URSS et les trois puissances
démocratiques.
Tenons compte enfin de ce grand fait paradoxal : plus
on arme et moins on peut en réalité faire la guerre. Car les armements continus
épuisent à l’avance des ressources qui seraient nécessaires au combat. Les armées
motorisées d’aujourd’hui sont pourvues de machines en quantités si fabuleuses
que leur seul approvisionnement en combustible proposerait à tous les
gouvernements des problèmes insolubles. La seule chance de l’agresseur, dans
ces conditions, ce serait la guerre courte, foudroyante, faisant ployer les
genoux en trois mois à tout un grand pays. Il ne saurait, au temps où nous
sommes, en être question, le pays les plus menacé d’agression – la France – disposant
de moyens de défense formidables et de richesses sensiblement plus grandes que
celles de ses assaillants possibles ; ces derniers manquent à la fois de
matières premières, de carburant, de vivres dans une situation géographique qui
leur permettrait de prolonger une résistance et de remporter des succès
partiels, mais non de triompher dans une longue conflagration où
interviendraient, à des divers degrés, tous les continents.
Lumières sur l’URSS *
1-2 avril 1939
Le XVIII e congrès du parti communiste de l’URSS
nous a valu de connaître un certain nombre de statistiques assez
impressionnantes. Je reviendrai, sans doute, sur les chiffres fournis par le
président du Conseil des commissaires du peuple, Molotov, sur la consommation
des masses. Il serait intéressant de les confronter avec les prévisions formulées
il y a quelques années et avec certains écrits de propagande.
Bornons-nous aujourd’hui à constater que, d’après le chef du
gouvernement soviétique, la consommation des articles de première nécessité par
les masses de l’URSS est encore sensiblement au-dessous du niveau de la
consommation des masses dans la plupart des pays capitalistes. Nous le savions
déjà ; pour ma part, je le savais d’expérience. Mais nous voici en possession
d’une donnée tout à fait officielle. Il a bien fallu la publier du haut de la
plus haute tribune pour ne pas faire figure de farceurs devant un grand pays
sans cesse en proie à la pénurie de vivres et des produits industriels.
De cette pénurie, les causes sont fort complexes, Molotov
fait allusion aux armements nécessaires… N’approfondissons pas ce sujet précis.
Ne résulte-t-il pas du traitement barbare infligé aux cadres de l’État, du
parti, de l’industrie, de l’agriculture, de l’armée, un funeste gâchis dans la
production ? Une usine dont on a successivement fusillé ou emprisonné en
deux ans une bonne demi-douzaine de directeurs et de sous-directeurs – sans
parler du moindre personnel technique… – peut-elle fonctionner parfaitement ?
Des transports dont on a, en deux ans, fusillé deux fois une moitié des
dirigeants, peuvent-ils fonctionner de la façon souhaitable ? Je soumets
ces questions au bon sens des personnes qui savent ce que c’est que diriger une
entreprise ; mais qu’elles essaient, en outre, de pressentir combien la
terreur diminue, dans ces conditions-là, les moyens d’un administrateur ou d’un
technicien !
Or voici des chiffres, tout à fait officiels. Rappelons que
tous les emplois « responsables » – toutes les fonctions dirigeantes
en d’autres termes – sont attribués à des membres du parti stalinien. Nous
apprenons, de la bouche de Staline, que ce parti compte en ce moment 1 600 000
membres ; qu’il en comptait 2 000 000 en 1936 (ou fin 1935) ;
qu’après les épurations des deux dernières années il y a eu 180 000 nouvelles
admissions. Faites l’opération arithmétique : c’est 580 000
communistes (aux décès près) qui, en 1936-1938, ont été exclus, c’est-à-dire
chassés du parti, chassés des emplois qu’ils occupaient, déshonorés, envoyés
dans les camps de concentration : car la règle est qu’un « exclu »
soit arrêté. Que faire, en effet, d’un homme déclaré indigne de la confiance du
parti dirigeant, sinon lui imposer une période de « rééducation par le
travail » dans un pénitencier ? Tel est l’usage et il faut de la
main-d’œuvre au creusement des canaux comme à la construction de nouvelles
voies ferrées. Ne
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