Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
Vom Netzwerk:
numéro du 15 mars, un article dont je veux
résumer ici la désolante documentation. Il est bien entendu qu’il n’y a pas d’antisémitisme
en URSS ; que les Juifs persécutés et mis à mort ne le sont pas en tant
que Juifs, mais plutôt en tant que communistes de la première heure. Notons
cette différence pour être équitable même envers le crime, véridiques même
envers le mensonge des bourreaux [293] .
Et laissons crier les faits, tels que les fait connaître un socialiste juif
russe, Grigori Aronson .
    « Une documentation de source presque entièrement
officielle nous a permis d’établir une liste d’une centaine de communistes
juifs d’URSS livrés au fer et au feu. La dictature a supprimé tous les éléments
actifs du communisme juif sans exception… Des hommes politiques, des
journalistes, des savants – et surtout des historiens –, des pédagogues, pas un
nom tant soit peu connu ne subsiste… Faute de rédacteurs, il a fallu fermer les
journaux. Depuis 1932, pas un ouvrage scientifique n’a été publié en yddish… »
Nous apprenons que les journaux yiddish
Emès
,
qui paraissait à Minsk, et
Octobre
,
qui paraissait à Moscou, ont cessé de paraître, car les hommes qui les
rédigeaient ne sont plus. Des œuvres juives, scientifiques et littéraires, parues
avant cette terreur noire ont été retirées de la circulation et mises au pilon,
car leurs auteurs sont proscrits – si seulement ils vivent encore – et le
régime leur trouve mauvais esprit. C’est le cas des ouvrages de Buchbinder, Rafès,
Kirjnitz, Agoursky. Plusieurs équipes successives de dirigeants de la petite
république juive du Birobidjan, fondée en Extrême-Orient par une assez cruelle
fantaisie bureaucratique, ont été fusillées. J’ai déjà entretenu, il y a
quelques mois, les lecteurs de
La
Wallonie
du drame du Birobidjan, où quelques milliers de
travailleurs juifs, transplantés à la frontière de la Mandchourie, subissent
les coupes sombres d’une police politique en proie à la manie de l’espionnage…
    Trois présidents de république, Liberberg ,
Katel, Heller, y ont été supprimés l’un après l’autre ; et quatre ou cinq
secrétaires du Comité du parti : Khavkine, Anchine, S. Lévine, Rysskine… Dans
tous les centres de population juive, Moscou, Minsk, Kiev, Kharkov, Odessa, Vitebsk,
Smolensk, la répression a sévi sans lassitude… Mais on peut bien se demander :
la répression de quoi ? Car la terreur s’est abattue sur des fonctionnaires
dévoués au stalinisme, nommés par lui, et sur des intellectuels dévoués à leur
peuple et, par surcroît, bien-pensants.
    Liberberg, président de la République juive du Birobidjan, fut,
en 1936, appelé à Moscou pour y être reçu par Kalinine, président de l’URSS, en
audience solennelle ; arrêté au sortir de là, conduit au Guépéou, fusillé.
Peut-être connaissait-il Zinoviev. « Nul
ne sait au juste combien de communistes juifs ont été broyés par le talon de
fer de Staline : des milliers, certainement… » – « Lesquels sont
vivants, dans les prisons, lesquels ont été fusillés, lesquels ont trouvé la
paix dans une autre mort, on ne peut que se livrer sur ces sujets aux
conjectures… » Esther Froumkina, vieille militante du
Bund
, ralliée de la première heure au
bolchevisme, est morte en prison… Weinstein-Rachmiel, qui avait eu le courage
de protester dans une réunion du parti contre les accusations infamantes
adressées à Froumkina, s’est suicidé en prison. Le « commissaire aux affaires
juives » Dimanstein a « disparu » en 1937. Litvakov, publiciste
qui rédigea pendant quinze ans
Emès
,
a « disparu » en 1938.
    Ces hécatombes s’expliquent en partie par le rôle
considérable que les socialistes juifs jouèrent dans la révolution russe. Traitées
avec une rigueur particulière par l’ancien régime qui leur imposait la
résidence en territoires réservés, massacrées dans les pogroms, réduites en
tout temps à la misère, les masses laborieuses juives, un peu plus cultivées en
général que l’ensemble de la population russe, fournirent à la révolution une
foule de militants obscurs ou connus. La réaction stalinienne, en détruisant
les générations socialistes, devait détruire à peu près toute l’intelligentsia
juive. Le singulier, c’est qu’elle ait pu le faire à coups de procédures
secrètes sans qu’on l’ait même su à l’étranger…
    P. S. – Je crois

Weitere Kostenlose Bücher