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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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construite pour 1 500 détenus, il y en a 6 000.
Il y a huit prisonniers par cellule. Montjuich est comble. Dans les fossés de
la sinistre forteresse, on exécute sans arrêt les condamnés à mort… »
    Au nombre des personnes arrêtées à Barcelone se trouve le
publiciste David Rey , du parti ouvrier d’unification
marxiste, que les staliniens avaient maintenu quatorze mois en prison… Il avait
refusé de quitter la capitale catalane pour ne pas abandonner sa compagne, malade.
À Gérone, Carlos Rahola, vieil historien catalan, d’opinions modérées, a été
condamné à la peine de mort ; puis on a cru apprendre que cette peine
était commuée en trente années de réclusion… On ne sait plus rien de lui.
    Dans les petites villes et les villages de Catalogne, les
patrouilles franquistes ont fusillé sans jugement les personnes qu’on leur
désignait comme professant des opinions avancées. Le maire d’une localité
voisine de Gérone, fusillé ainsi que plusieurs travailleurs, réussit à gagner
la frontière française avec trois balles dans le corps : une dans le
ventre, une dans l’épaule, une dans la main droite…
    Le premier devoir, en présence de ces crimes, est de les
faire connaître. Ne laissons pas les hypocrites invoquer à ce propos les
rigueurs (et même les excès) du peuple espagnol assailli par les généraux avec
la complicité de l’étranger : il n’y a rien de commun entre les nécessités
du combat et le traitement infligé à des vaincus. Il n’y a pas de proportion
non plus entre les masses martyrisées par la réaction et les minorités ennemies
que la république s’efforça de réduire à l’impuissance. La preuve, au surplus, que
la République s’est montrée indulgente, vraisemblablement trop indulgente
envers ses assassins, c’est que partout les troupes franquistes ont été
précédées par la 5 e colonne, sortie des prisons, des abris où elle
se terrait, des bureaux où elle trahissait, pour commencer la terreur blanche…

Après la défaite…
    29-30 avril 1939
    L’histoire de la guerre civile en Espagne sera pénible à
écrire. La cause était grande, la victoire possible. Les hommes furent
quotidiennement admirables de courage et d’abnégation – même quand il leur
arriva de manquer de capacité d’organisation. Il fallut, pour vaincre le peuple
espagnol, outre l’effort désespéré des classes réactionnaires, l’intervention
massive de deux grandes puissances totalitaires et la pression, tantôt
sournoise, tantôt avouée, des gouvernements démocratiques, plus conservateurs
en réalité que démocratiques. Il y fallut aussi, à l’intérieur, l’action
dissolvante du parti stalinien qui, en poursuivant – sans considération de
moyens – ses fins personnelles, c’est-à-dire celles de la politique d’une
bureaucratie totalitaire russe extrêmement égoïste et, de plus, fort compromise,
a joué par moments un rôle tout à fait funeste. Les services mêmes que ce parti
put rendre, grâce à des aptitudes incontestables à l’organisation, il les fit
payer si cher que cela tourna à la catastrophe ; la force qu’il contribua
énergiquement à créer, par exemple en collaborant très efficacement à la
formation d’une armée régulière, il tenta aussitôt de la monopoliser pour en
faire un si mauvais usage que cela aussi devait tourner à la catastrophe.
    Je ne veux, aujourd’hui, que revenir brièvement sur l’épisode
tragique de la chute de Madrid. On pouvait prévoir la défaite de Catalogne – et
la preuve en est qu’un observateur français l’annonça, longtemps à l’avance, en
termes de cauchemar, mais avec une précision inexorable, dans la revue
syndicaliste française
La Révolution
prolétarienne
(deux articles signés Stir-Nayr, parus en 1938 [296] ). Pour de
profondes raisons sociales, la Catalogne ne pouvait être victorieusement
défendue que par sa classe ouvrière révolutionnaire et sa petite bourgeoisie
autonomiste. En brisant, ou brimant, par la poigne, par l’illégalité, par la
pression économique, ces deux mouvements, la République se priva elle-même de
la plus grande puissance explosive dont elle disposait. Ses gouvernements
successifs le savaient ; et Largo Caballero préféra abandonner le pouvoir
plutôt que de faire cette politique, exigée de lui par le parti stalinien
auquel les trois formations politiques catalanes, l’Esquerra [297] , ou gauche
républicaine, la CNT anarchiste et

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