Retour à l'Ouest
leurs pauvres économies…), les
Républicains mis hors-la-loi se suicident chaque jour par dizaines… Un
entrefilet de
L’Action française
nous apprend que, dans la « zone neutre » d’Alicante, 47 officiers
républicains se sont « suicidés ». Entre 15 et 20 000
Républicains, la plupart socialistes syndicalistes, poumistes ou anarchistes, se
sont rassemblés au port d’Alicante pendant la débâcle de l’Espagne centrale, sur
la promesse – qui parait avoir été faite au colonel Casado par des
personnalités britanniques – que des moyens d’évacuation leur seraient fournis.
Les légionnaires italiens cernèrent sur les quais cette foule de héros traqués,
rescapés d’une guerre de classe, intellectuels, militants ouvriers. Franco
consentait, pour ne point s’abreuver trop ostensiblement du sang des vaincus, à
les laisser s’exiler. Les cargos promis n’arrivèrent point : un bateau
anglais n’embarqua – ailleurs – que le colonel Casado et quelques officiers
supérieurs. Une commission internationale, qui recherchait des moyens d’évacuation,
invita alors les fuyards à se sélectionner eux-mêmes, afin de réserver les
moyens de départ aux hommes voués à la mort… Il en resta 4 000. Tous ceux
qui n’avaient à craindre que l’outrage, la torture, la prison sans fin, la mort
incertaine, se rendirent en silence. Et les cargos n’arrivaient pas… Les
consuls ne recevaient point d’ordres. Les gouvernements « se consultaient »…
À la vérité on a bien l’impression que les gouvernements entendaient livrer à
Franco, ces 4 000 « rouges », voués au mur des fusillés. J’ai lu
là-dessus un terrible reportage d’ André Ullman , dans
La Lumière
. Les cargos sont-ils enfin
arrivés ? Il ne semble pas… Il faudrait penser à ces 4 000, penser et
agir, agir vite.
Et penser aussi aux autres… À Madrid, Besteiro, vice-président
des Cortès républicaines, leader de la droite du parti socialiste, demeuré dans
la capitale après la reddition, comme les évêques chrétiens au début du Moyen
Âge, demeurèrent dans les cités livrées aux barbares, pour les protéger ou
partager leur sort, – Besteiro est en prison. Le maire de Madrid, Henche, est
en prison, Javier Bueno, l’ancien directeur du quotidien socialiste des
Asturies, est en prison ; Mauro Bajatierra, rédacteur de
CNT
, a été assassiné dans sa demeure. Un
édit des autorités fait de la délation un devoir…
Les cours martiales sévissent-elles déjà ? Sans doute
les vainqueurs procèdent-ils davantage – c’est plus facile – par exécutions
sommaires et assassinats. Les nouvelles ne filtrent guère de la grande commune
espagnole vaincue, mais celles que l’on reçoit remettent une fois de plus en
lumière quelques lignes définitives de Marx :
« La civilisation et la justice de l’ordre bourgeois
apparaissent dans une lumière sinistre, chaque fois que les esclaves, les
asservis, les accablés, les écrasés de cet ordre, se soulèvent contre leurs
maîtres. Cette civilisation, cette justice se dévoilent alors : c’est la
sauvagerie sans masque, la vengeance sans frein. Chaque crise nouvelle dans la
lutte de classes entre l’homme qui s’approprie la richesse et l’homme qui la
produit fait ressortir cette réalité avec plus d’éclat. » (K. Marx,
La Guerre Civile en France
, 1871). Ajoutons
seulement qu’une complicité universelle jette aujourd’hui le voile sur ces
crimes.
Un Français revenu de Barcelone a publié, dans
Le Libertaire
, son témoignage sur le
début de la répression franquiste. Nous apprenons par lui que des combattants
anarchistes résistèrent après la chute de la ville, dans les immeubles de la
CNT et se firent tuer jusqu’au dernier… « Pendant deux jours et demi
encore le drapeau noir de la FAI flotta sur la voie Durutti. Il fallut amener
de l’artillerie et tirer au canon contre les deux immeubles… » « À l’hôpital
de la Bonanova, dans le haut du Paseo de Gracia… on vit une femme qui
travaillait là même désigner aux bourreaux ceux qui avaient joué un rôle dans
les événements : séance tenante et sur place, ils furent exécutés… Les
visites domiciliaires commencèrent aussitôt. On arrêtait à tour de bras. Mais
où mettre ces milliers de gens ? Les grandes arènes, dites de la Monumental,
furent réquisitionnées… À l’heure actuelle, quarante mille personnes y sont
enfermées. À la Carcel Modelo,
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