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Retour à l'Ouest

Retour à l'Ouest

Titel: Retour à l'Ouest Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Victor Serge
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travailler. – Nous connaissons bien, en
français, quelques ouvrages sur Bakounine : bâclés, ne méritant aucune
mention indulgente. Jusque hier encore, il fallait, pour entrer en contact avec
l’insurgé de 1848, le prisonnier intrépide, lucide et singulièrement habile des
forteresses du tsar, l’agitateur dont les intrigues contribuèrent sensiblement
à ruiner la I re Internationale, le fondateur de l’anarchisme, lire
sa
Confession
adressée du
fond d’une cellule de Pierre et Paul à l’empereur Nicolas I er , publiée
il y a quelques années avec une remarquable préface de Brupbacher .
Cela fait, dans la littérature du socialisme, un livre bien extraordinaire :
et il est curieux que pas un des commentateurs des « aveux » de
Moscou n’ait songé à tracer un parallèle entre les dernières déclarations d’un
Boukharine et la confession de Bakounine au tsar. (Ici, une parenthèse. Bakounine
lui-même garda toute sa vie un silence à peu près total sur ce document qui
faillit être publié par les soins de la police russe pour le déshonorer. À l’époque,
le déshonneur eût été certain. – Ne faut-il pas faire remonter aux préparatifs
de cette publication les rumeurs qui firent admettre, par certains de ses
adversaires de l’entourage de Marx, que Bakounine pouvait être un agent
provocateur ? – La
Confession
ne fut mise à jour, dans les archives de la police impériale qu’en 1918. J’eus
connaissance de cette découverte en 1919 à un moment où le précieux manuscrit
et ses rares copies avaient disparu entre les mains d’historiens rivaux qui
attendaient paisiblement la victoire de la contre-révolution. Pour éviter que
la
Confession
ne disparut
définitivement, je lui consacrai dans une revue allemande, un article assez
détaillé, le premier, qui fit sensation à l’époque (en 1921 ou 1922) et me
valut de la part de quelques anarchistes, les plus amers, les plus injustes
reproches. D’aucuns allèrent même jusqu’à soutenir que la
Confession
était un faux, fabriqué par
les bolchéviks ! Séverine prit contre moi « la défense de Bakounine »
que je n’attaquais point, dont au contraire je servais la mémoire en esprit et
en vérité, c’est-à-dire sans aveuglement ni manœuvre.)
    Grâce au livre consciencieux de M.  E.
Kaminski ,
Michel Bakounine, la vie d’un
révolutionnaire
(Aubier, édit.) [319] ,
une image vivante et, je crois, ressemblante nous est donnée de Bakounine. Sans
doute y reviendrais-je : elle en vaut la peine. Une chose cependant
déplait dans ce livre : la nuance d’antipathie, étoffée d’incompréhension,
dont fait preuve l’auteur à l’égard de Karl Marx. Nous n’avons plus à prendre
parti entre les deux géants, mais à rechercher d’une part la vérité sur les
matières qu’ils ont traitées et la vérité sur eux-mêmes. Ces deux vérités, on
les aperçoit du reste clairement dans le livre de Kaminski, chez qui la
connaissance du sujet l’emporte, fort heureusement, sur le parti pris. Et le
débat entre Marx et Bakounine nous devient aisément intelligible. Contre
Bakounine, Marx a scientifiquement raison d’une façon pour ainsi dire éclatante.
    Marx, écrit Kaminski, « n’a pas de biographie. Trente
ans de British Museum, une table à écrire, des livres, voilà toute sa vie… Ce
révolutionnaire donne plutôt l’impression d’un bourgeois ou, pour être plus
exact, d’un professeur d’université barbu et entiché de son importance. On l’admire,
mais on ne l’aime pas… » Alors l’inaltérable amitié d’Engels, les dévouements
d’un Lafargue, d’un Longuet , d’un Kautsky, cela ne
compte pas ? Le culte posthume d’un Riazanov, cela ne compte pas ? Mais
lisons encore : en 1848, « Marx était rédacteur d’un journal, révolutionnaire
bien entendu, tandis que Bakounine luttait sur les barricades de Dresde… »
Marx donna tout au long de sa vie, au milieu des révolutions, dans une gêne
tout à fait voisine par moments de la misère, sous la calomnie, l’injure, la
menace, assez de preuves d’un tranquille courage pour que l’historien n’ait pas
à lui reprocher d’avoir éludé l’épreuve superflue des barricades. Kaminski
lui-même définit bien « la différence entre ces deux hommes, entre ces
deux formes de la révolution, la scientifique et la spontanée… » Bakounine,
en 1848, n’était qu’un ardent révolté que sa passion jetait aux barricades ;
Marx, dès

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