Retour à l'Ouest
Kamenev, et Smirnov, et Riazanov et la légion
sans nombre qu’ils mènent au supplice !) ; tué le marxisme en
couvrant de ses drapeaux tant de crimes en Chine, en Espagne, en Pologne, en
Allemagne que des républiques en sont mortes ; tué le marxisme soviétique
en le prostituant à Hitler…
Un étudiant bruxellois, et qui se dit socialiste, écrit
cependant, ignorant ou feignant d’ignorer ces choses, que l’URSS « offre
des garanties de réelles réalisations démocratiques ». « Nous voyons,
d’ailleurs, ajoute-t-il, que le régime se démocratise de plus en plus… »
Où le voit-il, cet étrange aveugle ? Socialiste, il pourrait, il devrait
savoir que pas un socialiste n’est en liberté là-bas ; que nulle liberté d’opinion
n’existe même en apparence, et nulle liberté d’expression ; que la
littérature et la recherche scientifique sont mortes de cette oppression ;
que depuis dix ans un pays de 170 millions d’âmes, qui donna au monde les
Dostoïevski, les Tolstoï, les Gorki, les Lénine n’a pas produit, roman ou
philosophie ou histoire, une seule œuvre digne d’être lue ; que, par
contre, l’on trouverait aisément, dans ses camps de concentration qui sont les
plus vastes du monde, des hommes de savoir et de pensée en nombre suffisant
pour créer des universités, une presse intelligente, une grande littérature, une
grandeur intellectuelle. Les noms ? Nous en connaissons des milliers.
« Réalisations démocratiques », monsieur ? C’est
sans doute que l’on a fusillé la plupart des rédacteurs de cette Constitution
stalinienne [343] que Romain Rolland appela un jour d’aberration « la plus humaine des
Constitutions » ; que l’on a fait disparaître en cours d’élections ou
peu après une bonne trentaine de membres des conseils élus de l’État ; que
l’homme de l’usine, l’homme de la glèbe étouffe sous la terreur et le mensonge ?
Que les salaires de cet homme sont encore, de règle générale, inférieurs à ce
qu’ils étaient sous l’ancien régime ? Les chiffres ? Mais ils sont
officiels, donc frelatés au possible : ils avouent pourtant cette misère
du travail.
« Il ne peut être question, lisons-nous encore, d’incompatibilité
entre stalinisme et libre examen, le premier des deux concepts englobant l’autre. »
Confrontée avec les faits, les faits sanglants, les faits criants, cette
énormité implique une improbité intellectuelle. Avant de prendre ainsi, avec
une stupéfiante ignorance, la défense du régime le plus totalitaire et le plus
inhumain qui soit aujourd’hui ici-bas, l’auteur de ces lignes eût dû, honnêtement,
se renseigner quelque peu. Mais il apparaît qu’un aveugle parti pris a tué en
lui jusqu’au scrupule, jusqu’au désir de connaître ; et parce que
stalinien, il se révèle ainsi mort au libre examen.
Le stalinisme en Espagne. Un mémoire d’Indalecio
Prieto
7 décembre 1939
Que la guerre des deux Espagnes, la républicaine-ouvrière et
la fasciste, ait été le prologue de la guerre européenne, il semble difficile
de le contester. Sur les champs de bataille d’Espagne, deux puissances
totalitaires ont cru vaincre, en même temps que le peuple espagnol, les démocraties
occidentales ; sur les champs de bataille de l’Espagne, les Soviétiques s’étant
mesurés aux Allemands et ayant perdu la partie ont envisagé aussitôt de
pactiser avec cet ennemi trop puissant. On a lieu de croire que les
négociations secrètes entre l’URSS et l’Allemagne prirent tournure décisive à
partir du moment où Staline se rendit compte que l’Espagne républicaine était
vaincue, c’est-à-dire quelque temps avant la déroute de Catalogne. Nous nous
promettons de revenir ici sur ces événements pour en éclairer certains dessous
que les plus graves soucis d’avenir nous incitent à éclairer… Un document du
plus vif intérêt nous apporte aujourd’hui quelques données nouvelles sur l’intervention
stalinienne en Espagne et ses funestes conséquences. C’est une brochure d’ Indalecio Prieto :
Comment
et pourquoi je quittai le ministère de la Défense nationale
[344]
.
Et sous-titre :
Les intrigues des Russes en Espagne
. Publiée
à Paris, en septembre dernier, cette brochure donne simplement le compte rendu
sténographique d’un rapport présenté par l’auteur le 9 août 1938 au comité
national du parti ouvrier socialiste espagnol siégeant à Barcelone.
En mai 1937, les
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